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Syndicat National de l’Enseignement Technique Agricole Public

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Constitution européenne : La FSU censurée par les médias

dimanche 1er mai 2005

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Je souhaiterais faire entendre la voix d’une organisation syndicale qui, pour n’avoir pas choisi de donner de consigne de vote, n’en a pas moins une opinion sur le projet qui est soumis aux électeurs.

Nous sommes convaincus que la construction d’une Europe démocratique, fondée sur la coopération, la paix, le développement durable et partagé, le progrès social, est un des objectifs que doit se donner le syndicalisme. C’est précisément la raison de notre profond désaccord avec le projet de Constitution qui nous est proposé.

Certes les salariés, les retraités, les jeunes vivent dans une Europe qui depuis 60 ans ne connaît plus de conflit majeur, ils font l’expérience des échanges fructueux, de la mobilité, de la promotion d’un certain nombre de valeurs et de principes. Mais ils vivent également les conséquences de plus en plus amères d’une Europe des marchés, où la concurrence est érigée en dogme et pousse aux délocalisations ou aux suppressions d’emplois, à des droits sociaux en peau de chagrin, à des services publics transformés en réduits assiégés. Ils pâtissent du déficit de démocratie pour des décisions qui engagent la vie de tous.

Le problème est précisément que le projet de traité, loin de permettre de changer ces politiques, les fige en donnant valeur constitutionnelle aux principes qui les guident et les produisent.

Le texte proposé est comme un pâté d’alouette avec un très gros morceau de cheval libéral et une petite part d’alouette sociale pour donner "du goût". Même s’il semble y avoir par endroits un peu plus d’alouette que dans d’autres textes qui régissent jusqu’à présent l’Union, le rapport de forces est largement inégal : les dispositions concernant le social, les services publics, les droits, n’ont de portée effective que réduite et toujours limitée par les règles de la libre concurrence. Et le projet, en figeant ce rapport de forces, « constitutionnalise » ce qui devrait relever régulièrement du débat et de la décision des citoyens de l’Union.

Un exemple ? Les services publics. Progressivement, des jurisprudences diverses ont construit une politique des services publics en Europe : l’idée de base était que les services relèvent d’abord du marché - libre - et que toute dérogation ne peut qu’être exceptionnelle et dûment justifiée. Par ailleurs, la conception des missions de la Banque Centrale Européenne et les fameux « critères de convergence économique » du Traité de Maastrich privaient les États de toute marge de manoeuvre fiscale et monétaire et les contraignaient à une politique uniforme de réduction des dépenses publiques. Le résultat : des services publics aux moyens et au périmètre sans cesse rognés, sommés en permanence de justifier leur existence, soumis de plus en plus à la concurrence et contraints d’abandonner les principes qui en font précisément l’intérêt collectif.

Les luttes ont certes conduit à la reconnaissance de la notion de « SIEG », avec l’idée qu’il pouvait y avoir des services d’intérêt économique général échappant au marché. Mais c’est toujours comme des exceptions à la règle et avec une conception réductrice, celle de services dits « universels » qui sont autant de services minimum.

Le projet de constitution introduit-il des principes qui permettraient d’asseoir une conception ambitieuse des services publics au plan européen et dans chacun des pays ? La réponse est non. Il renvoie simplement à une loi-cadre (c’est le nouveau nom des directives) dont il est depuis des années question sans jamais avancer et sur laquelle nous n’avons aucune garantie ni de contenu ni même de calendrier. Et la règle sans cesse réaffirmée est celle de la concurrence « libre et non faussée » ! Ce n’est pas seulement une occasion manquée, c’est figer pour longtemps une situation défavorable aux services publics.

On peut faire un raisonnement analogue avec le droits dits « fondamentaux » : leur formulation, timide et souvent en retrait voire en contradiction avec nos acquis, pourrait passer pour un filet de sécurité voire un point d’appui qui, sans empêcher l’existence de droits plus favorables dans divers pays, permet un progrès pour les pays qui sont en deçà. Sauf que la manière dont ces droits sont formulés dans le projet les empêche de fonctionner ainsi : pour nombre d’entre eux le traité constitutionnel ne garantit en rien qu’ils s’appliquent effectivement dans chacun des pays. En revanche, le contexte pousse à une remise en cause permanente des acquis plus favorables.

Et l’éducation ? Elle fait partie des domaines où l’Europe peut « appuyer, coordonner ou compléter l’action des États membres, sans pour autant remplacer leur compétence dans ces domaines ». Mais comment s’en réjouir lorsque l’on voit que rien ne vient garantir l’existence de services publics et donc d’un service public d’éducation porteur d’intérêt général ?

C’est d’autant plus alarmant que, s’il semble couramment admis que l’éducation relève de l’intérêt général et doit échapper aux règles du marché, cela ne vaut ni pour la formation professionnelle ni pour l’enseignement supérieur qui, précisément, aiguisent les appétits des marchands de formation. Il existe une politique européenne en ce domaine, mais elle se décline à travers des procédures dites « méthodes ouvertes de coordination » qui se concoctent entre gouvernements sans le moindre débat démocratique avec les acteurs ou les citoyens concernés et s’inscrivent dans une conception utilitariste « d’adaptabilité ». Le projet de traité ne fait que confirmer ces orientations.

Nous avons conscience que, quel que soit le résultat du référendum, il faudra continuer de se battre, de proposer, de construire unitairement des alternatives. Quel que soit le bulletin que chacun choisira de mettre dans l’urne, il faudra continuer à agir ensemble, avant le 29 mai et après, en France et en Europe.

Quant à savoir si cette bataille sera plus facile ou plus difficile avec le traité proposé, nous répondons plus difficile, convaincus que ce projet va à l’inverse de la dynamique nécessaire et possible pour l’Europe.