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Syndicat National de l’Enseignement Technique Agricole Public

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Se positionner face aux nouveaux enjeux agricoles et alimentaires 

Compte-rendu de l’atelier organisé par le CFSI le 14-11-2017

vendredi 27 avril 2018

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Le SNETAP FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire membre depuis juin 2017 du CFSI CFSI Confédération française des syndicats indépendants
ou
Comité français pour la solidarité internationale
( Comité Français de Solidarité Internationale), a participé à une journée de réflexion sur l’action et le positionnement face aux nouveaux enjeux agricoles et alimentaires.
En 2010, La Charte Agriculture et Alimentation du CFSI réaffirmait l’engagement de ses membres sur un socle de valeurs communes et fondatrices de leur action collective. Cette charte s’intitulait « Charte pour une agriculture familiale durable au service d’une alimentation pour tous ».
La journée du 14 novembre avait pour but d’alimenter le projet d’une nouvelle charte pour prendre en compte les évolutions récentes des systèmes agricoles et alimentaires. Celle -ci sera adoptée en assemblée générale en juin 2018.
Parmi les intervenants :
François Collard Dutilleul, juriste, spécialiste du droit de la sécurité alimentaire et professeur à l’université de Nantes .
Émile Frison, expert de la conservation et de la biodiversité agricole, Ipes Food.
Des invités du Brésil, Honduras, Cameroun et Sénégal présents en France dans le cadre de la campagne ALIMENTERRE, étaient autour de la table de discussion.

1 : les voies permettant de repenser la souveraineté alimentaire et le droit à l’alimentation : intervention de François Collard Dutilleul

Selon ce chercheur et compte tenu du fait que de plus en plus de gens sont mal nourris ou souffrent de la faim il faut :
1.1 : penser globalement
- repenser la façon d’agir et entrer par les concepts : toutes les négociations internationales sont segmentées par thème : climat, commerce , sécurité alimentaire. Toutes sont des échec !
Il faut donc traiter globalement et non séparément.
1.2 : la diversité du « commun »
- déterminer les biens communs en donnant un sens à la diversité des communs, en se réappropriant les biens communs sur la nature et le vivant.
- identifier les biens fondamentaux Pour cela les biens fondamentaux doivent comporter une dimension collective qui limite le pouvoir individuel « nul ne devrait disposer d’un monopole sur un bien vital pour quelqu’un d’autre » (ex : brevet sur les semences).
1.3 : la souveraineté alimentaire
compléter le concept de « souveraineté alimentaire » car au regard de l’OMC chaque pays est aujourd’hui souverain. Pour cela ,il faut consacrer un principe supérieur de sécurité alimentaire et en faire un principe de droit international. Cela passe par la responsabilisation des entreprises. Il est nécessaire de créer des obligations contraignantes et justiciables, ne pas considérer les entreprises uniquement comme des personnes morales mais aussi civiles ( voir le tribunal Monsanto). Selon le chercheur , il est fondamental de défendre l’exception agricole, ce n’est pas une marchandise ordinaire . Il faut revisiter la Charte de la Havane de 1948 signée par plus de 50 pays qui attribuait un régime spécial pour les biens issus de l’agriculture. ?
1.4 : la gouvernance
promouvoir la gouvernance démocratique alimentaire à toutes les échelles : mondiale, et territoriale. Les PAT ( Projets Alimentaires Territoriaux) crées par la loi d’avenir en 2014 peuvent constituer une voie majeure. Il faut les penser selon le schéma : nature/ agriculture/ nourriture avec une gouvernance territoriale.
1.5 : les États Généraux de l’Alimentation
Selon le chercheur, les EGA raisonnent de « La fourchette à la fourche ». C’est une erreur, le raisonnement contraire « de la fourche à la fourchette » est celui qui aurait du commander les travaux. La question est « de quelle agriculture ai-je besoin » ?

Les enjeux de l’agriculture et de l’alimentation dans les 10 ans à venir. Quels types de transition envisager ? Intervention de Émile Frison.

2.1 : le système alimentaire durable : un système qui a déjà fait ses preuves
repenser l’agriculture dans ce système qui prend en compte l’environnement, l’économie locale, la santé , le socialement équitable , la culture.
Sortir des cercles vicieux basés sur de l’agriculture industrielle avec des coûts énormes sur la nature, l’animal et l’être humain.
Aller vers des cercles vertueux dont l’agriculture agroécologique diversifiée qui apporte : diversification, emplois, rapprochement producteur.trices/consommateur.trices, santé, maintien de la culture traditionnelle.
2.2 : les verrous
les agriculteur.trices sont prisonnier.es d’un système : les conduire vers la diversité avec l’appui de politiques globales et interministérielles
les pouvoirs sont concentrés entre les mains de quelques grandes entreprises qui contrôlent le secteur semence, agrochimie, distribution...Elles maintiennent ainsi le système industriel.
2.3 : les changements en cours
reconnaissance mondiale des problèmes par les grandes institutions comme la FAO
des politiques nationales qui évoluent
une approche de gestion du paysage
le nombre croissant d’associations agroécologiques
le souci croissant des consommateur.trices d’aller vers des circuits courts.

Les recommandations

  • développer des indicateurs de performance alimentaire durable
  • orienter l’investissement public vers les systèmes agoécologiques en évitant les partenariats publics/ privés
  • soutenir les circuits courts
  • renforcer les mouvements sociaux
  • avoir un politique d’achat pour les institutions publiques
  • généraliser l’agroécologie dans les systèmes d’enseignement et de recherche
  • développer le processus de planification de production alimentaire et des politiques alimentaires à tous les niveaux
  • soutenir la gestion de la biodiversité
  • travailler ensemble : responsabilité citoyenne.

Ce type d’agriculture prend en compte une grande partie des objectifs de développement durable.

Les invités internationaux

Ndéye Bineta Ndion du Sénégal a mis en avant la question de l’accaparement des terres, les problèmes de commercialisation et de distribution mais aussi le rôle important de l’éducation et de la formation dans les pratiques agricoles alternatives. Elle relate les bienfaits de l’agroécologie et des pratiques respectueuses de l’environnement qui sont portées par des centres ou organismes qui travaillent avec des ONG.

Gloria Garcia syndicaliste au Honduras a fait état du problème des petits paysans qui délaissent les cultures vivrières au profit des productions d’exportations comme la canne à sucre et l’huile de palme. Elle fait état des violentes persécutions dans les plantations envers les gens qui défendent les droits des travailleurs y compris dans les plantations certifiées par « Rain Forest Alliance » ; « on joue avec le droit et la santé des travailleur.ses 
Contre les grands capitaux ,il faut tous s’unir et lutter pour une bonne alimentation, un bon environnement »
En Amérique Latine, la pression multinationale fragilise les lois existantes.

Thais Silva Mascarenhas du Brésil, parle de consommation responsable et de démocratie alimentaire avec la mise en place d’un système de production agricole, commercialisation distribution et consommation solidaire. Les circuits courts sont valorisés et des initiatives locales se multiplient malgré le manque de moyens financiers.

Oscar Ngomé Eboulé, responsable syndical au sein d’une plantation de bananes au Cameroun revendique une culture biologique au bénéfice de la terre et des humains. Il se préoccupe aussi d’une meilleure distribution des ressources qui selon lui profitent peu aux travailleur.ses. Il demande une répartition équitable des ressources. Pour lui , la question de la santé et sécurité au travail est essentielle vu les conditions de travail dans les plantations.
Selon lui, il faut une action de lobbying auprès des gouvernements, lobbying qui pourrait venir des ONG qui sont plus écoutées que les locaux.
Ces actions de lobbying doivent porter sur plusieurs points :

  • ratifier le traité international sur la santé et la sécurité des travailleur.ses ruraux
  • subventionner l’agriculture biologique
  • encourager les petits producteurs
  • éduquer les travailleur.ses à la santé et sécurité.

Force est de constater que les constats et problématiques rapportés par les invités du SUD SUD Solidaires unitaires démocratiques sont transversaux et internationaux. Les luttes pour une agriculture respectueuse de l’environnement, pour une alimentation suffisante et de qualité, pour la santé et sécurité des travailleur.ses, pour un revenu décent aux producteur.trices sont des luttes du Nord et du Sud.

Synthèse des réflexions

Yves Le Bars du CFSI CFSI Confédération française des syndicats indépendants
ou
Comité français pour la solidarité internationale
conclut la journée par une synthèse des réflexions qui devront alimenter l’écriture de la nouvelle Charte . Il retient l’idée qu’il faut penser « de la fourche à la fourchette » comme un préambule à toute proposition. Il est nécessaire aussi de :
enrichir les indicateurs de performance autre que la productivité
construire des stratégies pour lutter contre la concentration multinationale ( les PAT sont un bon outil)
repenser la gouvernance pour une gouvernance démocratique alimentaire
échanger, vulgariser les pratiques alternatives et expériences consommateur.trices/ citoyen.nes
préparer des jugements futurs ( tribunal Monsanto)
penser le programme coopérer à l’échelle du territoire qui devient l’échelon clé.

Concernant le SNETAP FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire , il a fait part de ses premières impressions au sujet des États Généraux de l’ Alimentation et a remis la contribution qu’il a écrite à ce propos.
Il se félicite d’avoir assisté à cette rencontre et contribué aux premières réflexions qui alimenteront la prochaine charte sur agriculture et l’alimentation.
Il a porté la parole des personnels de l’enseignement agricole sur le rôle moteur que l’enseignement agricole public a à jouer face aux nouveaux enjeux agricoles et alimentaires.