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Syndicat National de l’Enseignement Technique Agricole Public

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REFORME DE LA VOIE INITIALE SCOLAIRE

Viser l’excellence, vraiment ? Ou continuer de casser les lycées professionnels ?

mardi 13 mars 2018

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Présenté le 22 février dernier, le rapport MARCON / CALVEZ, sur la voie professionnelle scolaire, porte en lui les germes d’une menace.

Tout d’abord, au risque de se répéter, pour cette nouvelle réforme aussi, on ne trouve dans ce rapport, aucune mention, pas même la moindre allusion à l’enseignement agricole … Ce sont pourtant plus de 100 000 élèves qui sont scolarisés en CAPA CAPA Certificat d’Aptitude Professionnelle Agricole

Commission Administrative Paritaire Académique
ou en Bac Pro dans un lycée agricole …. Si le Ministère et la DGER DGER Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche n’ont toujours pas été des acteurs de ce projet, le Snetap-FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire , quant à lui, avec les syndicats de sa fédération a participé aux différents groupes de travail.

Le Snetap-FSU a pris connaissance du rapport Calvez-Marcon. Il n’en partage pas du tout la finalité : celle d’une professionnalisation à outrance qui mènera à la casse des lycées professionnels. C’est une transformation d’ampleur qui est préconisée ici. Elle aura des incidences sur l’ensemble de la voie professionnelle scolaire : modification des parcours, des contenus et des certifications. Le rapport nie la spécificité de l’enseignement professionnel initial qui aujourd’hui dispense des enseignements généraux, techniques et professionnels équilibrés permettant une formation globale des jeunes. Si les préconisations de ce rapport sont mises en œuvre, elles auront de graves conséquences pour les jeunes et les équipes éducatives.

Il est d’ailleurs intéressant de se replonger dans un rapport de la DGER de juillet 2017, intitulé « Perspectives des métiers, qualifications et emplois liés à l’enseignement technique agricole » et qui pointait une « élaboration des diplômes en concertation étroite avec le monde professionnel  » ainsi qu’une « insertion professionnelle qui demeure élevée ». Quelques mois plus tard, le rapport Marcon-Calvez (qui porte certes sur un domaine plus large) déplore des « difficultés d’insertion professionnelle » et préconise d’ « associer davantage de professionnels à l’élaboration des référentiels »…

Il serait malhonnête de nier les quelques éléments pertinents présents dans ce rapport. Que ce soit la mise en place de modules de préparation pour l’enseignement supérieur en classe de terminale Bac Pro ou de faire évoluer la carte des implantations des CAP CAP Commission administrative paritaire

C’est une instance de représentation et de dialogue de la fonction publique française.

Les CAP sont chargées d’examiner des situations individuelles, mais elles soumettent aussi parfois des motions à caractère collectif.
en fonction des perspectives d’emplois afin de répondre également à la demande de poursuite en CAP des élèves de troisième générale. On pourrait encore parler de la notion d’attractivité ... Mais la philosophie de ce rapport est ailleurs. Ne partant pas (ou ne voulant pas partir) d’un constat, d’un état des lieux, des difficultés actuelles des élèves, des personnels, des établissements ... sur fond d’un parcours réduit pour tout.e.s à 3 années d’étude … le rapport ne peut répondre aux aspirations des lycées professionnels ...MAIS IL EST CLAIR CLAIR (dispositif) Collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite QUE DES LE DEPART, SON OBJECTIF EST TOUT AUTRE...

PREMIER DECRYPTAGE

Premier objectif : une attractivité retrouvée...ah bon où ça ?

Ce que dit le rapport : « Rendre l’envie aux élèves de vivre l’excellence de la voie professionnelle »
Pour que cette orientation soit positive, il faut qu’elle soit choisie. Or dans l’enseignement agricole public, la carte scolaire indigente, la politique de seuils de recrutement (plafonds imposés) et donc parfois le refus d’élèves construit une masse d’orientation subie. Rien ici quant à la prise en compte de ce problème majeur de l’entrée dans la voie professionnelle.

Ce que dit le rapport : « Première priorité l’amélioration du dispositif d’orientation vers la voie professionnelle »
C’est donc bien la création d’un corps inter-ministériel de conseiller d’orientation psychologue dont il devrait être question ici avec des agents maîtrisant les parcours dans l’enseignement agricole et non pas de verbiage.

Ce que dit le rapport : « Lui (à l’élève) donner des choix, l’informer et lui permettre de pouvoir se tromper, de pouvoir changer d’avis »
On nous parle de parcours mais ou sont passés les passerelles entre les différentes voies de formation ? De la voie générale et technologique vers la voie professionnelle ? De la voie professionnelle vers la voie générale et technologique ? Ce que ne dit pas le rapport, c’est qu’à l’issue d’une seconde pro, les choix se limiteront aux spécialités proposées dans les bac pro préparés par apprentissage ou par la voie scolaire – les jeunes de la voie pro étant de fait peu mobiles...

Ce que dit le rapport : « Pour cela, nous devons faciliter la fluidité des parcours de carrière des enseignants, contribuer à attirer de nouveaux candidats et permettre les allers et retours entre le monde enseignant et le monde économique ».
Bien peu de concret alors que nombre d’établissements peinent à recruter des enseignant.es notamment dans les matières techniques (en agroéquipement, par exemple) mais plus seulement techniques, loin s’en faut ...

Avec la mise en place d’une seconde avec pour objet "une simple découverte professionnelle", les lycéen·nes perdront encore une année de formation en Bac pro. On passerait donc d’un bac pro en 3 ans à un bac pro en 2 ans ! Cela est en complète contradiction avec l’objectif d’améliorer leur insertion professionnelle. Les jeunes ne passeront plus le CAP ou le BEP BEP Brevet d’études professionnelles comme diplôme intermédiaire (ce dernier étant ici voué à disparaître au profit d’attestations d’acquisition de blocs de compétences). Ils obtiendront un baccalauréat moins professionnel qui ne leur permettra pas pour autant d’améliorer leur poursuite d’étude.

Deuxième objectif : une efficacité accrue … Evaluer les politiques éducatives...encore le new managment et plus d’autonomie !

Ce que dit le rapport : « La voie professionnelle vise aussi bien l’insertion professionnelle que la poursuite d’études. Il faut mesurer son efficacité en tenant compte de ces deux objectifs  »
Évoquée très rapidement en début de rapport, la formation du citoyen est ici absente de l’évaluation (ouf !) mais on voit évidemment poindre une formation adéquationniste…

Ce que dit le rapport : « Mixité des parcours et des publics »
Alors que dans le rapport sur l’apprentissage, il n’est jamais fait référence à l’enseignement scolaire ... ici les références à l’apprentissage sont nombreuses. Les appels du pied à des parcours, des classes mixées sont nombreux. Le Snetap-FSU rappelle son opposition au mixage des publics. On rappellera ici aussi que le parcours avenir n’existe pas dans l’enseignement agricole public de la seconde à la terminale….

Ce que dit le rapport : « Renforcer par ailleurs la préparation des PFMP dont bénéficie l’élève de la part de l’équipe pédagogique »
Évoqué dans les projets de réflexions – en panne – de la DGER sur l’évolution de la voie pro ... ce temps de préparation intéressant doit se mettre en place.

Ce que dit le rapport : «  Ce projet d’alternance sera formalisé au sein du projet d’établissement »
Voilà que revient à nouveau la « salvatrice » autonomie des établissements. Va-t-on vers une réduction du nombre de semaines en établissement ? Et des PFMP à la carte ? Quelle sera alors la valeur du diplôme ?

Ce que dit le rapport : « Systématiser l’approche par blocs de compétences. Prévoir dans les référentiels la possibilité d’une adaptation territoriale (locale, régionale) ou sectorielle des diplômes professionnels. La coloration du diplôme doit donner lieu à attestation de formation reconnue par le ministère de l’Éducation nationale et/ou les branches professionnelles »
Le Snetap-FSU rappelle son attachement à l’unité du diplôme national garantissant notamment la reconnaissance des qualifications dans les conventions collectives (avec les garanties salariales en rapport) ainsi qu’une culture générale, scientifique, technologique et ou professionnelle, conditions nécessaires pour permettre l’accès à une réelle formation tout au long de la vie. Le diplôme doit être le seul garant de l’acquisition des savoirs et savoir-faire nécessaires à l’exercice d’un métier. La délivrance de ces blocs de compétences, annonce donc la disparition de l’inscription d’un volume horaire minimal de formation dans les textes réglementaires pour pouvoir obtenir ce diplôme "saucissonné" en blocs de compétences. Le risque est donc élevé qu’un.e employeur.euse ne recherche que des « bouts de diplômes » ou des compétences spécifiques mais non un diplôme ou une qualification. Les conséquences sur l’emploi et la rémunération seront négatives pour les jeunes. Loin de limiter les sorties sans qualification ces blocs de compétences risquent au contraire de détruire les diplômes et du même coup l’élévation des niveaux de qualification. Ils présentent le risque de fragiliser la place et le poids de l’enseignement général dans les diplômes.

Ce que dit le rapport : « Substituer à la certification du diplôme intermédiaire un dispositif destiné à délivrer des attestations d’acquisition de blocs de compétences en cours de formation »
Qu’entendre par là si ce n’est la suppression du BEPA BEPA Brevet d’études professionnelles agricoles  ? Certification qui, si elle a été extrêmement fragilisée par la réforme du Bac Pro 3 ans, se révèle indispensable comme premier diplôme pour certains jeunes.

Troisième objectif : une ouverture possible vers d’autres parcours

Ce que dit le rapport : « Adapter la durée de formation en CAP au profil des élèves. Dans ce cadre individualisé, la durée de la formation, son contenu ainsi que les modalités d’accompagnement de l’élève feront l’objet d’une contractualisation tripartite entre le jeune, sa famille et l’établissement  »
Encore une fois c’est le diplôme national qui est attaqué. On renvoie au local, la gestion de la formation. L’établissement serait la source de toutes les solutions...tellement facile pour oublier d’évoquer les moyens pour faire réussir toutes et tous...tellement facile pour exonérer les différentes réformes des fragilités actuelles de l’enseignement professionnel scolaire.

MAIS AUSSI...

Des conditions de travail menacées ... des attaques sur les statuts…

Ce que dit le rapport : « Permettre aux élèves de solliciter leurs professeurs, toutes disciplines confondues, lors d’un temps dédié à la préparation de ces projets »
Quel est le sens de ces termes ???? Les modifications proposées en termes de certification auront immanquablement des conséquences néfastes en termes de conditions de travail.

Et du Bac Pro 3 ans... On ne parle plus ?
Grande absente de ce rapport, les échecs avérés de la réforme des années 2009 et suivantes, sont laissés de coté…Est-ce uniquement par de l’innovation (mais laquelle ?), des projets ou de l’individualisation que l’on permettra la réussite de toutes et tous ?

Un enseignement agricole oublié ?
Finalement, ce rapport n’apporte aucune réponse aux problèmes de l’enseignement professionnel en général et dans l’enseignement agricole. Pour ce qui est de l’EAP EAP Enseignement Agricole Public
ou
Emploi d’avenir professeur
les filières sont déjà réduites en nombre en seconde pro ou CAPA, elles en particulier sont bien identifiées et la spécialisation arrive déjà, en classe de 1ère pro, par exemple. La présence de CFA CFA Centre de Formation d’Apprentis dans la plupart des EPLEFPA EPLEFPA Établissement Public Local d’Enseignement et de Formation Professionnelle Agricole pourrait être remise en question par l’ouverture d’UFA UFA Unité de formation par apprentissage dans chacun des lycées professionnels -LPA LPA Lycée Professionnel Agricole ou LEGTPA LEGTPA Lycée d’Enseignement Technologique Professionnel Agricole de l’EA - confirmée dans ce rapport.

POUR CONCLURE...

Le Snetap-FSU dénonce les bases sur lesquelles ce rapport a été construit. Celui-ci répond aux exigences des organisations patronales plutôt que de proposer des dispositifs pour améliorer et sécuriser le parcours des élèves. Les mêmes causes auront les mêmes effets : c’est une véritable dévalorisation de la voie professionnelle qui est en marche. C’est la fragilisation du parcours des lycéen.nes professionnel.les qui se cache derrière ce projet.
Sachant que les rapporteurs CALVEZ et MARCON dans leurs auditions ont refusé d’entendre es-qualité les représentant.es des personnels de l’EAP, le Snetap-FSU participera aux concertations pour porter un projet alternatif.

Pour le Snetap-FSU, il y a urgence à développer et conforter le modèle de l’enseignement professionnel public en y dédiant les moyens. Il faut améliorer la réussite des jeunes en leur permettant de suivre le cursus de formation jusqu’à l’obtention du diplôme. Il faut aussi enfin revaloriser les salaires et conditions de travail des personnels des équipes éducatives qui s’engagent au quotidien pour la réussite de tou·tes ces jeunes.

A LIRE :
L’analyse de nos collègues du SNUEP-FSU SNUEP-FSU Syndicat national unitaire de l’enseignement professionnel de la Fédération syndicale unitaire  : http://snuep.fr/wp-content/uploads/2018/03/Analyse-rapport-C-M-def.pdf