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Danger sur l’Enseignement Professionnel - Entretien avec le Snuep-FSU

mardi 17 septembre 2019

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Entretien avec Axel, co-secrétaire national du Snuep-FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire pour comprendre les enjeux de la réforme de la voie professionnelle à l’Education nationale.

« Il faut faire connaître les dangers, les menaces que font peser la transformation de la voie professionnelle et la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel pour les lycées professionnels ! »

Quel est ton sentiment en cette rentrée ?

Axel BENOIST : « Nombreux sont les enjeux de cette rentrée scolaire 2019 dans la voie professionnelle du fait de la concrétisation dans les établissements de la réforme Blanquer et de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
C’est une rentrée qui lance un défi aux organisations syndicales. Elles ont la responsabilité de sortir de l’ombre la réforme Blanquer et la loi pour en révéler la gravité : les jeunes seront encore plus en difficultés pour poursuivre leurs études et pour s’insérer professionnellement du fait d’un appauvrissement qualitatif et quantitatif des formations.
Les personnels seront impactés y compris sur leur temps de vie privée du fait de la charge de travail fortement accrue et de la difficulté à faire réussir les jeunes avec moins de temps en classe. Le travail des personnels des lycées professionnels subit aussi la concurrence avec l’apprentissage et l’arrivée d’apprenti·es dans les classes.
Une rentrée sous le signe de la mise en œuvre de la réforme de l’orientation  : les régions pilotent dorénavant les actions d’orientation dans les lycées professionnels. Elles pourront ainsi organiser la venue des branches, des CFA CFA Centre de Formation d’Apprentis ou autres officines lucratives dans nos établissements pour enrôler les lycéen·nes professionnel·les vers l’apprentissage dont on sait pourtant le bilan très médiocre en termes de taux d’accès au diplôme, de ruptures de contrat ou de poursuites d’études.
Enfin cette rentrée présente des dangers forts pour les professeur·es de lycée professionnel et leur statut : l’annualisation du temps de travail est devenu possible par l’adoption de la loi pour une école de la confiance et les régions trouvent une oreille attentive coté ministère pour récupérer la gestion des ressources humaines de la voie professionnelle scolaire. »

Quel est selon toi, l’objectif de ces réformes ?

Axel BENOIST : « Loin de l’excellence annoncée, le ministre et le gouvernement préparent en réalité l’exclusion progressive de 650 000 lycéen·nes professionnel·les de l’Éducation nationale ; l’objectif étant à terme de transférer l’ensemble de la formation professionnelle vers les branches et les organisations patronales. Ce désengagement de l’État vis à vis des jeunes majoritairement issus des milieux défavorisés représente une atteinte grave aux principes d’égalité et une vision très réactionnaire de la formation des futurs ouvrier·es et employé·es : c’est un véritable bond en arrière de 70 ans de la formation professionnelle initiale. »

Quelles en sont les mesures emblématiques de cette réforme ?

Axel BENOIST : « Les représentant·es des personnels seront désormais exclu·es de la conception et de la rénovation des diplômes. Concevoir et rénover les diplômes professionnels dépendra dorénavant uniquement des branches professionnelles et des organisations patronales.

Cette rentrée est aussi celle de la mise en concurrence brutale de la voie scolaire avec l’apprentissage. Les lycées publics et les personnels sont sommés de pallier les ruptures de contrats massifs chez les mineur·es (38%) et de développer l’apprentissage au sein même de leurs établissements au détriment de la qualité des formations pour tous les jeunes.

En cette rentrée, les points de désaccord concernent les nouvelles grilles horaires, les programmes, les trois premières « secondes familles de métiers » et les dispositifs pédagogiques (chef-d’œuvre, co-intervention, AP...). Ces dispositifs imposés sont contraignants et réduisent considérablement le nombre d’heures de cours pour les élèves. »

Tu parles de familles de métiers en seconde professionnelle, qu’est-ce que c’est ?

Axel BENOIST : « La classe de 2de organisée en familles est conçue pour devenir propédeutique à l’apprentissage : l’idée sous-jacente est que le LP doit préparer à une première approche métiers, renforcer les savoir fondamentaux et former aux comportements professionnel et social attendus par les employeurs. Ces derniers viendraient ensuite recruter les « meilleurs » en apprentissage pour les 2 dernières années de bac pro. Celles et ceux non retenu·es par les entreprises resteraient en LP. En repoussant la spécialisation à un métier en classe de première, ces classes provoquent une déprofessionnalisation des formations professionnelles sous statut scolaire. On passe d’un bac pro 3 ans à un bac pro 2 ans. »

Et le chef-d’œuvre ?

Axel BENOIST : « Cette terminologie fait référence au compagnonnage qui est un système ultra-sélectif, très éloigné des publics de lycée professionnel. Le chef-d’œuvre prend une place démesurée parmi les heures dévolues aux enseignements professionnels. Les enseignant·es des matières générales s’intégreront dans ce projet pluridisciplinaire mais leurs interventions sont financées sur le volume complémentaire alloué pour les dédoublements de cours. Pour la FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire , ce gadget pédagogique ne doit en aucun cas être imposé aux enseignant·es. Les projets menés doivent se baser sur la volonté des enseignant·es et être financés. »

Qu’est-ce que la co-intervention tant décriée par les enseignant-es ?

Axel BENOIST : « Un·e professeur·e de Français ou un·e de Maths est présent·e dans la classe avec un·e professeur·e d’une discipline professionnelle. Cette présence simultanée est imposée. Hormis les problèmes organisationnels, comme les ateliers et les emplois du temps communs aux co-intervenant·es, aucune liberté pédagogique n’est laissée aux équipes pour bâtir leur co-intervention. Ce sont les répartitions de service puis les emplois du temps qui en décident et non les besoins ou projets pédagogiques. Le prétexte de « donner du sens » aux apprentissages en rendant concrets les enseignements généraux est un leurre et du mépris pour le travail des enseignant·es qui n’ont pas attendu la co-intervention pour donner du sens à leur enseignement…
Les études prouvent l’attachement des jeunes de lycée professionnel aux disciplines générales. Si le SNUEP-FSU SNUEP-FSU Syndicat national unitaire de l’enseignement professionnel de la Fédération syndicale unitaire n’est pas opposé au principe pédagogique de la co-intervention, il considère que pour fonctionner, celle-ci doit émaner des enseignant·es, sur la base de programmes et référentiels permettant de faire des liens entre les disciplines et non être imposée par la hiérarchie et l’organisation matérielle des emplois du temps. »

Pourquoi dénoncez-vous les nouveaux programmes ?

Axel BENOIST : « Les nouveaux programmes des enseignements généraux ont été fabriqués à la hâte pendant l’hiver, repoussant la sortie des manuels scolaires après la rentrée (chose inenvisageable en lycée général…). Les enseignements généraux sont mis au service des enseignements professionnels dans une vision purement utilitariste. Toute notion liée de près ou de loin à la culture générale ou à la citoyenneté est devenue superflue pour les élèves de la voie professionnelle. Cela illustre la vision du ministre quant à l’avenir d’un·e lycéen·ne sur trois. »

Que porte le SNUEP-FSU pour la voie professionnelle publique ?

Axel BENOIST : « A l’inverse de ces contre-réformes, il faut renforcer l’enseignement professionnel et cela nécessite :d’améliorer l’offre globale de formation sur l’ensemble du territoire ; de l’ambition pour les savoirs généraux et professionnels ; des diplômes nationaux reconnus par les conventions collectives ; des lycées professionnels publics financés et des conditions d’accueils des jeunes améliorés. »

Interview réalisée par Yoann VIGNER, pour le Snetap-FSU.