Dans son rapport du 23 juin 2022, la Cour des Comptes questionne « la stratégie nationale de l’alternance » et l’efficacité des politiques menées par le gouvernement précédent.
L’analyse montre l’essor sans précédent de l’apprentissage soutenu par les aides publiques et celles du plan « 1 jeune/1 solution », interrogeant l’efficacité des 20 milliards d’euros d’argent public dépensés en moins de 3 ans.
Ce même rapport fait état de la situation de France Compétences, établissement public créé en 2019 par la même loi pour réguler le financement de l’apprentissage et de la formation professionnelle et pointe une situation financière très préoccupante… situation qui l’amène aujourd’hui à revoir les dotations aux centres de formation.
Pourquoi de telles critiques de la Cour des comptes ?
Cette réforme de l’apprentissage et tous ces financements publics, supposés aider les jeunes le plus dans le besoin, ont en réalité bénéficié aux jeunes les moins concernés par les difficultés d’insertion sur le marché du travail. Sur les plus de 800 000 nouveaux contrats en 2021 ni les jeunes les plus en difficulté, ni les entreprises qui ont des problèmes de recrutement, ni les territoires n’ont bénéficié de cet effet d’aubaine !
La réforme et sa stratégie ont conduit à une baisse du nombre d’apprenti·es dans les formations du secondaire et à une montée en puissance dans l’enseignement supérieur alors que la plus-value en terme d’insertion pour celui-ci serait limitée.
S’agissant de la situation financière de France Compétences au bord du gouffre, si l’essor de l’apprentissage se poursuit avec 5,9 milliards de déficit prévus en 2022, elle n’aura plus les ressources pour financer l’apprentissage ni le compte personnel de formation.
Retrouvez le rapport de la Cour des comptes, et ses déclinaisons régionales, sur le site https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-formation-en-alternance
Quelle baisse des dotations ?
Face au gouffre financier que représente aujourd’hui France Compétences, l’État lui a donc demandé de réduire les crédits alloués aux organismes de formation. Cette réduction, votée par son Conseil d’administration le 30 juin, se fera deux temps : - 5 % à compter du 1er septembre, puis à nouveau - 5 % à partir du 1er avril 2023.
Et dans les EPLEFPA EPLEFPA Établissement Public Local d’Enseignement et de Formation Professionnelle Agricole , quelles conséquences ?
Dans l’Enseignement agricole, et plus particulièrement dans le public, les conséquences de la loi Pénicaud sont multiples et catastrophiques.
En effet, l’obligation de double certification Qualité (Qualiopi et QualiFormAgri), la deuxième étant uniquement pour le public (comme s’il fallait montrer deux pattes blanches dans le service public !) ont un coût financier très important pour les établissements. Et c’est sans compter le coût des risques sur la santé induit par la surcharge de travail pour les équipes et le stress engendré par les certifications. C’est aussi une différence d’appréciation des critères selon les auditeurs.trices et une impression de flicage pédagogique malsain.
Cette réforme c’est aussi la fuite d’une partie des BTS BTS Brevet de technicien supérieur de la voie scolaire vers l’apprentissage avec les risques de fermetures de classes, de mixage de publics, de regroupement de sections, ... Mais c’est surtout un effet d’aubaine extraordinaire pour le privé, dont les MFR, qui a vu dans certaines régions, une augmentation de 138 % des effectifs d’apprenti·es entre 2018 et 2021 contre seulement 10 % dans les CFAA Publics ramenant la part de l’apprentissage public de 91 % en 2018 à 78 % en 2021 (source DRAAF DRAAF Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt -SRFD SRFD Services Régionaux de la Formation et du Développement Nouvelle Aquitaine 02/06/2022).
Cette réforme c’est aussi une tentative de « faire sauter » le cadre législatif qui constitue la structure juridique des EPLEFPA en voulant faire fusionner les CFAA et les CFPPA
CFPPA
Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole
(formation continue pour adultes)
et en ne reconnaissant plus les différences fondamentales entre les voies de formation : la formation initiale (s’agissant de l’apprentissage) et la formation continue.
Enfin, avec la baisse annoncée des dotations publiques dès la rentrée de septembre va aggraver la situation des CFA CFA Centre de Formation d’Apprentis publics et en particulier des petits centres en milieux ruraux. Cette dégradation risque clairement de pousser à court terme à la fermeture de classes du fait des modalités de financement et de la forte concurrence induite, et à moyen terme à des velléités de certaines directions à présurer la masse salariale des centres de formation et à détériorer d’autant les conditions de travail des agent.es, tentations qu’il va nous revenir collectivement de prévenir et de combattre le cas échéant.
Depuis la parution de la loi Pénicaud et de ses décrets d’application, le SNETAP-FSU exige son abrogation. Ces dernières critiques et les récentes décisions de France Compétences confortent sa position.
Le SNETAP-FSU demande une modification de la composition des CPC (commissions professionnelles consultatives), desquelles les représentant·es des personnels de l’enseignement, des parents d’élèves, comme ceux des associations environnementales ou de consommateurs ont été écarté·es au seul profit des branches professionnelles.
Le SNETAP-FSU exige une régulation de l’offre de formation avec une carte régionale à nouveau coordonnée et concertée.
Le SNETAP-FSU, fort d’un mandat du congrès national de Tours en novembre 2021, dénonce et se bat contre la fusion des CFAA et des CFPPA.
Enfin, appuyé par sa fédération, le SNETAP-FSU portera le mandat de l’âge de la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans, âge minimum pour instruire et éclairer la jeunesse dans un monde complexe en mutations constantes.
Paris, le 04 juillet 2022