Concernant l’usage de l’écriture inclusive, le SNETAP-FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire est de temps en temps interrogé sur son usage alors que cette « écriture inclusive » est prohibée dans les textes réglementaires.
Il est nécessaire de préciser que cet interdit ne concerne que les textes officiels, administratifs et que les écrits syndicaux n’entrent pas dans ces catégories. Notre organisation syndicale s’est donnée d’ailleurs un mandat sur le sujet ; celui d’utiliser l’écriture inclusive dans toute sa gamme (féminisation des mots comme les métiers, les mots épicènes, la double flexion ou le point médian).
Le langage, l’orthographe, la grammaire ne sont évidemment pas de simples outils « neutres ». Le langage inclusif en français est un ensemble de moyens linguistiques visant à assurer une égalité de genres dans la langue française, en la dégenrant et en évitant les expressions renforçant les stéréotypes de genre, soit par le dédoublement des marques de genre, soit en les neutralisant (généralement grâce à une forme indifférenciée).
La langue a une histoire ! La nier, c’est vouloir l’instrumentaliser !
Notre grammaire a une histoire avec une rupture majeure au 17ème siècle, sa codification (Académie Française) et la primauté masculine qui devient une règle. Le meilleur exemple est sans doute la règle de l’accord de proximité qui existait et qui a été remplacée par la règle « du masculin l’emporte sur le féminin » :
« Surtout j’ai cru devoir aux larmes, aux prières
Consacrer ces trois jours et ces trois nuits entières »
Jean Racine
La bascule vers le « masculin l’emporte sur le féminin » et son argumentaire sont souvent peu linguistiques :
- L’abbé Bouhours, grammairien déclare en 1675 que « quand les deux genres ſe rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte »
- Un autre grammairien en 1651 : « Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut tout seul contre deux ou plusieurs féminins, quoi qu’ils soient plus proches de leur adjectif. »
- Encore au 18eme siècle, Nicolas Beauzée en 1767, cette affirmation est rendue plus explicite : « Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin, à cause de la supériorité du mâle sur la femelle (...) »
Il est donc étonnant qu’encore au XXIeme siècle, on semble vouloir nier cette histoire...
Dans son discours inaugural de la Cité de la Langue Française, le 30 octobre 2023, le président de la République a semblé vouloir tacler l’écriture inclusive, en déclarant qu’il ne fallait pas « céder aux airs du temps » ; posture étonnante puisqu’il est un président utilisant régulièrement voire systématiquement la double flexion donc l’écriture inclusive...
Trois citations du 17eme siècle relativise cette notion « airs du temps » (ou alors du temps long sans doute ) :
- Sur la question de l’accord en genre, le grammairien Claude Favre de Vaugelas affirme en 1647 : "le genre maſculin eſtant le plus noble, doit predominer toutes les fois que le maſculin & le feminin ſe trouuent enſemble, mais l’oreille a de la peine à s’y accommoder, parce qu’elle n’a point accouſtumé de l’ouir dire de cette façon (« le genre masculin étant le plus noble, [il] doit prédominer toutes les fois que le masculin et le féminin se trouvent ensemble, mais l’oreille a de la peine à s’y accommoder, parce qu’elle n’a point accoutumé de l’ouïr dire de cette façon »)
- Ainsi Vaugelas note lui-même la résistance des femmes de Cour à cette masculinisation et propose de se soumettre à l’usage : « Neantmoins puis que toutes les femmes aux lieux où l’on parle bien, diſent, la, & non pas, le, peut-eſtre que l’Vſage l’emportera ſur la raiſon, & que ce ne ſera plus vne faute (« Néanmoins, puisque toutes les femmes aux lieux où l’on parle bien, disent, la, et non pas, le, peut-être que l’usage l’emportera sur la raison, et que ce ne sera plus une faute »
- A un autre grammarien, Gilles Ménage du même siècle, « Madame de Sévigné s’informant sur ma santé, je lui dis : Madame, je suis enrhumé. Elle me dit : je la suis aussi. Il me semble, Madame, que selon les règles de notre langue, il faudrait dire : je le suis. Vous direz comme il vous plaira, répondit-elle, mais pour moi, je ne dirai jamais autrement que je n’aie de la barbe. »
Haro sur le point médian !
Les détracteur·rices du langage inclusif se focalisent aujourd’hui sur le point médian.
Pour faciliter la lecture de l’écriture inclusive avec le point médian, il suffit de lire les deux mots : « électeurs et électrices » écrits plus simplement "électeur·rices". Ce n’est finalement qu’une forme d’abréviation comme celle régulièrement utilisée "M." pour monsieur ou "Mme" pour madame, ne posant pas de difficulté, une fois la règle connue, sue et retenue. Pour les personnes dyslexiques, il est important de bien utiliser le point médian et non le point final qui pourrait perturber leur lecture.
Même la sphère politique ou administrative ne peut pas être complètement déconnectée des réalités d’une langue qui vit, qui s’adapte aux réalités sociales : qui s’étonne aujourd’hui d’entendre parler « La Première ministre » (Edith Cresson avait été nommée "Premier Ministre" en 1991) ou au sein de notre ministère, la nomination de madame BIGOT, ingénieurE est nommée secrétaire généralE du MASA par la Première Ministre dans un décret, texte tout à fait officiel