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Lettre ouverte sur l’iniquité et la méthode de la refonte de l’IFSE au Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire

mercredi 9 juillet 2025

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Madame la Ministre,

Par cette lettre ouverte, nous souhaitons dénoncer fermement la refonte de l’IFSE mise en œuvre au Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire.

S’agissant de la rémunération indemnitaire, par opposition à la rémunération indiciaire, nous rappelons notre opposition fondamentale contre cette forme de rémunération puisqu’elle rattache les agent·es de la fonction publique à leur poste tout en les détachant de leur statut. Par ailleurs, l’indemnitaire ne compte que très peu dans le calcul de la pension de retraite. C’est donc d’un important plan de transfert primes-points, d’une augmentation significative du point d’indice et d’une refonte des grilles de rémunérations statutaires dont les agent·es de la fonction publique ont véritablement besoin.

Dans le Flash info RH du 14 mai 2025 adressé aux agent·es de votre ministère, vous vous félicitez d’avoir tenu votre engagement à « porter une grande attention à la rémunération des agents du ministère ». Vous y affirmez qu’il s’agit, selon vous, de reconnaître le travail des agent·es et de renforcer l’attractivité de nos métiers.

Vous mentionnez à ce titre plusieurs mesures : les dispositifs du Pacte enseignants, la mise en place du régime indemnitaire des “enseignants et chercheurs”, ainsi que la revalorisation des référentiels des agent·es contractuel·les.

Rappelons tout d’abord que le Pacte suscite plus que des réserves (l’ensemble des OS OS Organisations Syndicales de l’Enseignement Agricole Public y étant opposés), notamment en raison de son caractère conditionnel qui lie revalorisation salariale et acceptation de missions supplémentaires sans reconnaissance réelle du travail quotidien des enseignant·es et CPE CPE Conseiller Principal d’Éducation . Cette mesure ne bénéficie pas à tous·tes les enseignant·es, loin de là et exclut de fait l’ensemble des autres personnels de nos communautés éducatives, pourtant susceptibles de conduire également un certain nombre de missions, on pourrait à titre d’exemple citer la mission de coopération internationale.

Dans l’enseignement supérieur, certes il y a eu une revalorisation du régime indemnitaire des enseignant·es-chercheur·es mais il y a une iniquité scandaleuse pour les enseignant·es du secondaire affecté·es dans le supérieur (PCEA PCEA Professeur Certifié de L’Enseignement Agricole , PLPA PLPA Professeur de Lycée Professionnel Agricole et Agrégé·es) malgré leur rôle très important dans nos établissements.
Concernant la rémunération des agent·es contractuel·les, vous omettez d’une part l’augmentation continue de la précarité et du nombre de contractuel·les dans notre ministère et d’autre part, que ces mesures ne concernent nullement nos collègues contractuel·les enseignant·es qui ont désormais, pour beaucoup, une rémunération indiciaire inférieure à celle de leurs collègues contractuel·les non-enseignant·es. Il s’agit donc d’une approche tout à fait relative de la notion d’attractivité. Votre Secrétaire Générale s’est d’ailleurs engagée à faire chiffrer par les services RH du ministère des scénarios visant à remettre à niveau nos collègues… cela remonte à plus de 6 mois maintenant… et toujours rien !

S’agissant de la revalorisation proprement dite de l’IFSE, celle-ci fait plus que nous interroger tant sur les éléments de méthode utilisés par les services qui en avaient la responsabilité que sur la manière dont les 18,35 M€ ont été répartis entre les 12 000 agent·es concerné·es, foulant au pied les enjeux d’équité salariale au sein de votre ministère.

Tout d’abord, concernant la méthode :

la manière dont cette réforme a été conduite relève d’une véritable caricature quant à la conception du dialogue social dans votre ministère.

La concertation s’est déroulée en quinze jours à peine, sans qu’aucune des propositions des organisations syndicales ne soient prises en compte. Les documents de travail ont même été transmis après la tenue du groupe de travail (GT) du 14 mai, preuve manifeste que nos réactions étaient redoutées et qu’il n’y avait, surtout, aucune volonté réelle de dialogue et encore moins de marges de négociations possibles. Un Flash info RH paraissait d’ailleurs en fin de cette même journée !

Pire encore, nous avons été soumis à un véritable chantage quant à la rétroactivité au 1er janvier 2025 le Secrétariat Général agitant le risque de disparition pure et simple du budget alloué à cette obligation quadriennale si les choix de vos services étaient, même à la marge, contestés.

Vos services ont également affirmé que certaines des mesures et orientations totalement contestables avaient fait l’objet d’un accord des organisations syndicales lors de précédents GT en 2024. Cette affirmation est factuellement inexacte : plusieurs orientations avaient à l’époque suscité des critiques explicites et notamment en raison de la présentation d’éléments chiffrés incompréhensibles.

Lors des réunions des 14 et 20 mai 2025, vos services se sont retranchés derrière ces discussions passées, comme s’il s’agissait d’éléments consensuels et validés, alors qu’aucun accord n’avait émergé. Ce sont pourtant précisément les points les plus décriés qui ont été repris.

Face à cette malhonnêteté intellectuelle et à l’absence totale de marge de négociation, les organisations syndicales membres de l’Élan commun n’ont, en responsabilité, pas eu d’autre choix que de quitter ces GT qui se sont réduits in fine à de simples présentations de décisions déjà prises.

Sur le fond de cette refonte de l’IFSE :

les orientations retenues sont profondément inéquitables et révèlent des choix injustifiables de la part de la haute administration de notre ministère quant à la répartition entre les 12 000 agent·es concerné·es.

Tout d’abord, la répartition des montants révèle des choix particulièrement discutables et contribue, dans les faits, à creuser encore davantage les écarts de rémunération entre les catégories : 33 € bruts mensuels supplémentaires pour un·e agent·e de catégorie C de l’enseignement technique contre 1005 € bruts mensuels pour certain·es A+. En concentrant l’essentiel des revalorisations sur les catégories A et A+, cette politique accroît les écarts salariaux et nuit à la reconnaissance de l’engagement des personnels de catégorie C et B, qui assurent pourtant des missions essentielles au bon fonctionnement du ministère. Cette iniquité est d’autant plus inadmissible que pour les collègues dont le salaire n’atteint pas 3 864 € bruts par mois, cette revalorisation s’accompagne d’une augmentation de leur cotisation PSC (Protection Sociale Complémentaire).

Comment comprendre de tels écarts surtout quand ces orientations sont décidées par celles et ceux qui en bénéficient directement ?

Autre élément illustrant l’inégalité de cette refonte et qui concerne le traitement pour tous·tes les fonctionnaires en PNA dans les établissements publics comme FranceAgriMer, l’ASP ASP Agence de Services et de Paiement , l’INAO, l’ODEADOM, l’ANSES, l’ONF ONF Office National des Forêts , l’IFCE, qui devront se contenter de ce que pourront financer ces établissements sur leurs fonds propres. Déjà éprouvés et inquiets pour leur avenir suite aux annonces concernant la réduction d’un tiers des Établissements Publics à l’horizon 2026, ils se trouvent donc aujourd’hui mis de côté par leur ministère sur le plan salarial.

Et quelle transposition réelle, et surtout, quel gain concret, pour la majorité des agent·es qui percevaient déjà un complément d’IFSE dans le cadre de la mise en œuvre du RIFSEEP RIFSEEP Régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel  ? Pour ces collègues, cette "revalorisation" n’est en réalité qu’un affichage : l’augmentation annoncée de l’IFSE ne correspond, pour ces agent·es, qu’à un simple jeu d’écriture entre l’IFSE et le complément d’IFSE avec de ce fait aucun impact réel sur leur rémunération et donc sans impact budgétaire dans le projet global de refonte. Il est manifestement important de rappeler que ce complément est dans de très nombreux cas la matérialité de postes où le travail et les missions sont particulièrement pénibles et contraignantes.

De la même manière, votre administration indique vouloir supprimer la NBI NBI Nouvelle bonification indiciaire perçue par de nombreux agent·es en transposant les fonctions ouvrant droit à la NBI dans l’IFSE. Comme nous l’avons rappelé plus haut, l’IFSE n’est pas socialisé contrairement à la NBI qui est un équivalent en points d’indices. Nous n’en doutons pas, il y a là encore une stratégie mercantile derrière cette volonté de "remise à plat". La disparition de l’attribution de NBI aura un impact direct sur le montant de la pension des agent·es qui en sont bénéficiaires

Enfin, les personnels de l’enseignement agricole pénalisé·es par les choix dogmatiques de la part de vos services :

  • Les agent·es de l’enseignement technique subissent un abattement forfaitaire de 10% de leur IFSE, au prétexte qu’ils et elles ne réaliseraient pas les 1 607 heures annuelles, assertion que nous contestons formellement ce qui a été reconnu du bout des lèvres par le Chef du SRH confronté à l’ire des organisations syndicales.
  • Les trois lycées agricoles de la région Île-de-France sont exclus de la catégorie créée en réponse à la problématique de vie chère, alors même que c’est un enjeu majeur et connu de votre administration. Le problème de la vie chère constitue une difficulté majeure tant pour le fonctionnement des établissements que pour l’attractivité et la stabilité de leurs équipes.
  • Les personnels de direction bénéficient d’une augmentation sans rapport avec leur niveau de responsabilité et en comparaison des revalorisations accordées aux agent·es A et A+. Pour une partie de ces personnels, l’augmentation ne se résume qu’à la transposition du montant alloué auparavant pour la gestion du pacte et qui était alors versée sous forme d’un CIA exceptionnel.
  • Nous constatons que le montant de l’IFSE des personnels ingénieurs est toujours réduit pour les personnels exerçant en établissement d’enseignement technique, par rapport aux autres catégories de postes. Si la création d’un dispositif de valorisation des enseignements complémentaires permet d’assurer la rémunération d’heures supplémentaires pour les Ingénieur.e.s de l’Agriculture et de l’Environnement (les IPEF IPEF Ingénieur des ponts et des eaux et forêts en poste en enseignement en sont d’ailleurs toujours exclus), ses modalités de calcul sont clairement inéquitables, avec des effets de seuil majeurs. Enfin, l’exercice de missions de professeur.e principal.e n’est toujours pas pris en compte dans les modalités de calcul.

Et pour terminer, vos services ont ignoré le rôle des organisations syndicales mandatées par les personnels de votre ministère pour les représenter et le principe des négociations salariales qui se veut porteur de consensus, mais ils n’ont pas non plus fait preuve de la vigilance nécessaire, notamment en ce qui concerne le respect du droit syndical des agent·es bénéficiant d’une décharge supérieure ou égale à 70%, lors de l’édiction des règles de cette refonte.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, nous demandons :

  • la suspension immédiate de la mise en œuvre de la refonte de l’IFSE dans les conditions et avec les orientations définies par vos services ;
  • les conditions d’un dialogue social respectueuses des organisations syndicales et des agents que nous représentons : temps nécessaire de concertation, document de préparation transmis à l’avance, considération des propositions des organisations syndicales, écoute et respect mutuel…
  • que cette réforme soit repensée dans un esprit d’équité et de cohérence réelle pour éviter que les décisions qui concourent à créer de tels écarts entre catégories ne soient prises uniquement par de hauts fonctionnaires qui caricaturent le concept de juges et parties et que cela conduise à une répartition de l’enveloppe pour réduire les écarts de rémunération entre les agent·es au lieu de les décupler.

Dans l’attente d’une réaction rapide et concrète de votre part, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre considération.

Pour l’Élan commun,
Frédéric Chassagnette et Laurence Dautraix
Co-Secrétaires Généraux du SNETAP-FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire

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