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Syndicat National de l’Enseignement Technique Agricole Public

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Conclusions de l’atelier

Nord-Pas-de-Calais : Atelier régional sur les exploitations agricoles et propositions du CDDEAP

25 mars 2013 - Arras

mardi 14 mai 2013

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Le Comité Permanent Défense et de Développement de l’Enseignement Agricole Public (CDDEAP CDDEAP Comité de défense et de développement de l’enseignement agricole public ) a vu le jour le 10 novembre 2009. Il regroupe des personnels et des usagers de l’enseignement agricole public, ainsi que des personnalités et organisations politiques, dans le but d’informer l’opinion sur l’état de l’enseignement agricole public, de proposer des solutions pour en améliorer l’audience et le fonctionnement, et d’agir pour que ses propositions soient mises en ½uvre.

Alors que démarre la concertation préalable au projet de loi d’avenir pour l’agriculture, le Comité a décidé d’organiser au cours de l’année 2013 des ateliers de réflexion sur quatre thématiques particulières à l’Enseignement Agricole Public : les exploitations des lycées agricoles publics, le Service public en milieu rural et aménagement du territoire, la promotion sociale et l’alimentation et sécurité sanitaire

Le Comité de Défense et de Développement de l’EAP EAP Enseignement Agricole Public
ou
Emploi d’avenir professeur
a donc tenu le premier de ses quatre ateliers régionaux, le lundi 25 mars 2013, au Lycée agro-environnemental d’Arras (Pas de Calais). Cet atelier portait sur la question des exploitations agricoles et des ateliers technologiques des établissements agricoles publics.

Quatre projets de lois actuellement en débat, influenceront l’enseignement agricole : la refondation de l’école, l’acte III de la décentralisation, la loi d’avenir agricole et la loi d’avenir sur la recherche (enseignement supérieur).
Alors que démarrent les premières concertations sur le projet de loi d’Avenir Agricole dans lequel sera discuté un large volet sur l’enseignement agricole, l’objectif de cette journée de réflexion était de mettre en avant les atouts des lycées agricoles publics mais également de soulever les questions et les inquiétudes sur l’avenir de ces exploitations [1] .

1 – Le cadre législatif

Les exploitations agricoles et les ateliers technologiques des établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricole sont aujourd’hui régies par l’article R 811-9 du Code rural qui en fait des unités de production à vocation pédagogique.

En 2001, elles deviennent centres constitutifs de l’EPL EPL Établissement Public Local (à la condition de permettre la rémunération de sa main d’½uvre salariée à hauteur d’au moins un équivalent temps plein). Leurs responsables deviennent directeurs de centre.

En 2001 encore, la note de service DGER DGER Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche /FOPDAC/C2001-2002 parue le 25 juin précise leurs trois fonctions :
Une fonction de production et de commercialisation de biens transformés ou non transformés et de services (dont les centres hippiques), dont la mise en ½uvre est indispensable pour l’accomplissement des deux autres fonctions ;
Une fonction de formation par l’observation, par l’analyse technique et économique, par les démarches de diagnostics et de projets, pour les jeunes et adultes en formation dans l’EPLEFPA EPLEFPA Établissement Public Local d’Enseignement et de Formation Professionnelle Agricole , pour les enseignants, ingénieurs et formateurs, mais aussi pour d’autres publics ; fonction qui justifie à elle seule la présence des exploitations agricoles et des ateliers technologiques au sein des EPLEFPA ;
Une fonction de développement, par leur contribution au développement agricole, au développement industriel, et plus largement au développement territorial (animation rurale et culturelle, insertion, coopération internationale) les exploitations agricoles et les ateliers technologiques des EPLEFPA jouent un rôle majeur dans l’accomplissement de ces missions de l’enseignement agricole.
Malgré ces textes réglementaires, on peut souvent déplorer que la formation et la pédagogie ne sont pas les fonctions premières de ces exploitations.
Ce premier élément doit évoluer. Une ferme pédagogique doit avoir pour objectif premier l’accueil et la formation des élèves, étudiants, apprentis et stagiaires. Pour autant les autres fonctions ne doivent pas disparaitre ou être reléguées à un second plan puisqu’elles sont supports de la formation.
Cet objectif pédagogique étant affirmé il faut alors mettre l’ensemble des outils (financiers, matériels, humains, …) en phase avec cet objectif.

2 – Enjeu de formation :« une exploitation au service des élèves, étudiants, apprentis et stagiaires »

L’exploitation doit avant tout servir à la formation des élèves, étudiants, apprentis et stagiaires mais aussi celle des enseignants et des formateurs.
Pour autant elle ne doit pas se replier sur l’EPLEFPA et doit aussi être ouverte sur l’extérieur car elle a également un rôle d’animation du territoire.

L’exploitation doit être un modèle technique. Son caractère professionnel doit être maintenu et pour cela elle doit garder une certaine taille.

Mais l’histoire d’un établissement l’amène à faire des choix de formations qui ne sont pas forcément en lien avec l’exploitation. Dans ce cas la question du maintien de l’exploitation se pose : est-elle encore utile quand les formations ont disparu et dans ce cas l’exploitation doit-elle encore être maintenue ?
La répartition des exploitations sur le territoire est indispensable car elle permet une véritable démultiplication des situations de production et d’expérimentation supports des formations. Elle donne une véritable diversité. L’exploitation ne s’adresse pas aux élèves et apprentis d’un seul établissement. Elles doivent former un véritable maillage du territoire utile à la fois aux élèves, aux professionnels et plus largement à l’animation du territoire.
Dans l’esprit de cet objectif les régions doivent attribuer les moyens des déplacements des élèves entre les différentes exploitations.

Lorsque des établissements, voir des départements, perdent la totalité de leurs formations du secteur de la production agricole, dans ce cas l’exploitation permet de maintenir des savoir-faire et des connaissances. L’exploitation Agricole de par ses activités et ses relations constitue un lien fort entre le territoire et le reste de l’Établissement.

Cette question pose plus largement les conditions du maintien des formations. Les choix de fermeture de structures se pose souvent par la seule condition des effectifs. Il faut envisager le maintien de classes à petit effectifs.

Les temps de formation en baisse (exemple du Bac Pro 3 ans) densifient les référentiels de formation notamment en technique. Les enseignants disposent de fait de moins de temps et de moyens pour se déplacer sur l’exploitation.

Concernant la présence des enseignants techniques (voire généraux) sur l’exploitation, (accompagnement des élèves, présence pour sa formation, appui technique au directeur ou aux salariés,) doit être favorisée y compris par des décharges horaires et un appui financier. Leur présence est indispensable car elle permet un échange à double sens :
l’exploitation sert de lieu de formation pour le professeur -l’enseignant enrichit part ses connaissances techniques et technologiques les choix du centre.

L’exploitation doit être ouverte aux élèves et leur permettre d’exercer les gestes techniques. Elle doit fonctionner comme un véritable support ou outil pédagogique.
Des exploitations sont aujourd’hui des vitrines et ont des difficultés pour laisser les élèves manipuler ou intervenir lors d’étapes importantes de la production (exemple d’exploitations viticoles). Les élèves sont parfois de simples spectateurs car les sommes en jeu sont très importantes. Dans ces cas on peut se poser la question de leur intérêt pédagogique.

Par exemple à Arras, en classe de seconde, chaque semaine pendant deux jours, deux élèves sont sur l’exploitation et leurs binômes en classe sont chargés de prendre leur cours. Cela permet donc à chaque élève de découvrir en condition réelles les travaux de l’exploitation encadrée par le directeur et les salariés.

3 – Un enjeu du territoire :« L’exploitation est ouverte au territoire »

L’exploitation est un acteur du développement local et doit assurer une fonction d’animation technique, sociale et culturelle du territoire.

De même certaines exploitations classiques sont difficiles à ouvrir au public y compris professionnel pour des raisons de sécurité et des raisons sanitaires. L’exploitation de l’EPLEFPA de part sa fonction de formation est plus à même d’assurer cette ouverture au public et donc de valoriser une forme de culture rurale.

Concernant le territoire et son aménagement, les exploitations en zone péri-urbaine sont aujourd’hui l’objet d’une convoitise foncière très forte. Il est nécessaire de préserver ces surfaces. Les terrains affectés à l’Exploitation ne doivent pas être considérés comme une « réserve » foncière constituée pour les projets des collectivités territoriales (communes et régions ou autres). Il faut imaginer un cadre législatif pour protéger ces terrains au même
titre que les terrains domaniaux.

4 – Un enjeu de Recherche, Expérimentation, Développement :« Des comités scientifiques en lien avec l’exploitation pour renforcer la recherche »

La fonction d’expérimentation et de recherche est également très importante et nécessite un budget public clairement identifié.
L’expérimentation et la recherches doivent être indépendantes. Pour cela elles doivent être choisies et suivies par des Comités indépendants (comité pilotage et comité scientifique) choisit au sein des différentes instances de l’EPL et qui pourront faire appel à des personnalités extérieures à l’EPL (organismes de recherches publics : INRA INRA Institut National de Recherche Agronomique , CEMAGREF, ...).
Ces Comités donnent de la lisibilité et de la crédibilité aux expérimentations. Ils permettent d’éviter les dérives des financeurs ayant des objectifs éloignés de la pédagogie et d’empêcher les effets de "lobbying". De plus ces Comités en plus d’être des gardes fous, sont des lieux où l’on suscite la réflexion et le débat.

Cette recherche ne doit pas être celle voulue par un seul partenaire. L’établissement ne doit pas être considéré comme un sous-traitant mais il doit avoir les moyens de se positionner en qualité d’acteur de la mission développement.

5 – Un enjeu de l’enseignement supérieur :« l’enseignement supérieur doit s’investir dans nos exploitations »

Nous constatons que très peu d’exploitations ont un lien avec une université ou une école du supérieur. Pourtant elles peuvent être un domaine intéressant pour le travail et les TP/TD des étudiants, un support pour leur recherche.
L’exploitation doit notamment être reconnue par l’université pour davantage être utilisée dans le cadre des licences pro. Celles-ci restant sous tutelle des universités, l’EPL ne sert que de support. Il doit devenir un partenaire.

Le lien entre les exploitations et l’enseignement supérieur doit être renforcé voire rendu possible. Il faut réussir à faire de l’exploitation un partenaire de l’université pour qu’elles deviennent un lieu de recherche et d’expérimentation.
Cette reconnaissance par l’enseignement supérieur pourrait influer sur le choix des formations.

6 – Un enjeu de gouvernance :« Valoriser l’expérience, les compétences et les connaissances des personnels »

Les conseils d’exploitation (CE) doivent être revus dans leur composition et dans leur rôle.
Par exemple dans les CE siège un représentant de la commune de l’établissement alors les représentants du Conseil Régional pourtant financeur ne siège pas. De même les personnels doivent y être représentés avec les moyens de cette représentation (par exemple : problème du temps de décharge des personnels de CFA CFA Centre de Formation d’Apprentis et CFPPA CFPPA Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole
(formation continue pour adultes)
).

Le Conseil d’Administration doit rester l’instance délibérative.

Le directeur d’exploitation, qui fait partie de l’équipe pédagogique (même s’il n’a pas le statut d’enseignant) assure un rôle pédagogique et apporte un autre regard que celui de l’enseignant.
Les ouvriers de l’exploitation jouent également un rôle d’accueil et d’encadrement. Ce rôle doit donc être reconnu dans leur statut.

Pour l’ensemble des personnels de l’exploitation il y a aujourd’hui un véritable déficit de formation continue. Ce problème est encore plus notable pour les salariés parce que leur « statut » les écarte des formations du ministère (sauf en s’intégrant à des équipes d’EPL).
Ils ont toutefois accès aux formations du FAFSEA FAFSEA Fonds d’Assurance Formation des Salariés des Entreprises Agricoles et l’exploitation reçoit une indemnité lors des absences correspondantes.

De même il est difficile de valoriser l’expérience, les compétences et les connaissances de certains personnels (anciens agriculteurs par exemple).
Il faut réfléchir globalement aux réponses possibles pour un droit à la formation tout au long de la vie respecté pour tous les personnels. Cela passe certainement par une clarification des statuts.

7 - Un enjeu financier :« Il faut distinguer rentabilité et viabilité »

Il apparaît clairement que si l’on doit attendre d’une exploitation au sein d’un EPLEFPA d’être un modèle en terme de viabilité technique, on ne peut pas en revanche lui exiger la rentabilité économique, tout au plus une optimisation.
La ferme d’un établissement public local (EPL) doit avoir d’autres fonctions que la seule production. Elle doit former, accueillir, animer, expérimenter, développer ... Elle ne peut donc pas équilibrer son budget par la seule activité de production et du même coup s’autofinancer, même si cela ne peut dédouaner l’exploitation de la meilleure gestion possible. Il faut prendre en compte l’ensemble des contraintes qui pèse sur son budget et qui peuvent être multiples et différentes d’une exploitation à l’autre. Il peut donc être
difficile de définir et d’évaluer ces contraintes.

Pour autant le budget de l’exploitation de l’établissement doit être équilibré. Il faut donc trouver et justifier les financements qui doivent couvrir les coûts de l’ensemble des fonctions.
Des exploitations sont systématiquement en déficit malgré des résultats convenable techniquement. Cette présentation dans le rouge pose problème dans les Conseils d’administration et limite les choix d’évolution.

Comparativement à une exploitation « classique » la ferme de l’EPL accumule les contraintes (plus grande complexité des systèmes, nature et poids de la main d’½uvre salariée, multiplication des utilisateurs du matériel, répétition de gestes diminuant la production, risques d’échec, …) et devra faire des choix qui ne sont pas obligatoirement ceux de la rentabilité mais ceux de la pédagogie.
La fonction pédagogique nécessite davantage d’encadrement, de matériel, de structures :
ce coût supplémentaire doit être pris en charge (subventions d’équipement des Régions).
Pour exemple, le revenu agricole moyen par unité de main oeuvre non salarié se situe aux environs de 15 600 ¤ par an dans les exploitations conventionnelles alors que le coût moyen d’un salarié agricole est au minimum de 34 000 ¤ par an (variable selon les conventions collectives départementales). ...

S’il faut distinguer la viabilité et la rentabilité de l’exploitation de l’établissement, il est alors nécessaire de s’appuyer sur plusieurs exploitations extérieures pour illustrer les différentes approches économiques et comptables de l’entreprise. Ces visites peuvent se faire à l’occasion des différents stages (collectifs ou individuels).
L’ouverture du budget de l’exploitation peut permettre une comparaison avec les budgets des exploitations conventionnelles. Les élèves peuvent en faire une étude de cas et réfléchir aux moyens de la rendre plus rentable.
La comptabilité publique est obligatoire, elle est parfois difficilement utilisable dans l’état par les élèves. Il est donc nécessaire de la modifier pour la présenter sous une forme se rapprochant de la comptabilité professionnelle (éventuellement réalisée par un centre gestion).

Mais le financement des différents centres constitutifs doit être public, y compris l’exploitation.
Il faut être vigilant quant au risque d’ingérence. Certains organismes ou entreprises privées part l’apport de moyens financiers peuvent être tentées d’influer sur les choix de production de l’exploitation. Les exploitations publiques doivent être non inféodées à des financements privés, c’est la garantie d’une expérimentation et d’une recherche indépendante.
Afin d’assurer la transparence et la traçabilité du financement des différentes fonctions des exploitations agricoles et la compréhension par les administrateurs des différents conseils il conviendrait de présenter le budget en plusieurs divisions (correspondant chaque à une fonction) telles que production en principale puis une pour la pédagogie et une pour le développement par exemple.

Pour assurer l’ensemble de ces dépenses on doit les faire entrer dans un contexte général de politique agricole par exemple en intégrant au budget national un volet « transmission des connaissances ».


[1par facilité dans le texte qui suit lorsque le terme « Exploitation Agricole » est employé pour désigner tous les centres techniques des EPLEFPA à savoir ; Exploitations Agricoles et Ateliers Technologiques (dont centres équestres).