52 pas 58 … ou quand la propagande prime sur la transparence !
La façon de faire est souvent révélatrice d’un état d’esprit… ici bien médiocre. Ainsi, force est de constater qu’aucune information n’a été partagée en transparence avec la représentation syndicale, le ministère ayant fait le choix d’une communication à la presse à l’heure des vacances scolaires, via un communiqué en date du 17-10, suivi d’une brève au bas d’un fil info interne du ministère sur son intranet le 18-10 et d’un flash info DGER DGER Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche le 24-10 !
De l’inélégance crasse de la forme passons au fond guère plus reluisant… Ainsi, la DGER affiche-t-elle fièrement que 58 % des enseignant.es et CPE CPE Conseiller Principal d’Éducation de l’enseignement technique agricole ont été volontaires pour signer le « pacte » en prenant au moins une brique. Ici, les écarts entre l’Enseignement Agricole Public et Privé sont ainsi utilement gommés. En effet, c’est par l’exercice du contradictoire que les journalistes de Toutéduc finiront par obtenir ces chiffres qui traduisent une réalité nettement plus contrastée que l’approche globalisante à dessein, avec en fait seulement 52,4 % de signatures dans le Public contre 66,3 dans le Privé – et encore sommes-nous dans des moyennes ?
On relèvera aussi dans les éléments de langage de la DGER des remerciements appuyés aux équipes de direction et pour cause, lesdites directions ont été mises sous une pression intense des semaines de sorties à celles de rentrée pour « placer des briques », et parfois « quoi qu’il en coûte » quitte à déroger à la note de service visant pourtant à cadrer un exercice par essence porteur de dérives. On relève ainsi ici et là des briques octroyées en lieu et place de décharges horaires (alors que le dispositif était censé s’ajouter et non se substituer à l’existant), des briques pour accompagner des voyages scolaires sous couvert de coopération internationale, des briques pour aller visiter des stagiaires (si si…), ou encore des briques pour finir ses programmes en fin d’année au titre de remplacement de courte durée (sic), etc... Alors oui, des briques ont bien été “fourguées”… un certain nombre en tout cas... mais à quel prix ?
52 donc 48 … pas de revalorisation assurément mais une politique cynique et inéquitable !
Si 52 % des enseignant.es et CPE ont « pacté », cela signifie que 48 % ont en revanche refusé l’abject procédé du « travailler plus pour gagner plus » après avoir consciencieusement laissé les salaires d’une profession sombrer depuis des années ! Ce chiffre démontre, par suite si il en était besoin, que cette politique cynique qui s’adresse à des « volontaires résigné.es » (par nécessité financière le plus souvent et non par adhésion d’une une profession de plus en plus précarisée) ne constitue en aucun cas une revalorisation salariale, telle qu’elle a pourtant été affichée dans la propagande gouvernementale.
Par ailleurs, ces 52 % de « volontaires » cachent des écarts majeurs entre régions (pour prendre un exemple, en région Centre, les enseignant.es et CPE du Public n’ont pris que 30 % des briques allouées contre 84 % dans le Privé) comme entre lycées, sachant que dans certains d’entre eux, des briques ont été prises en nombre mais par très peu de collègues… au risque de les mettre en difficulté personnelle comme professionnelle en les décentrant du cœur de leur service.
65 et 50 ... ou l’abandon des objectifs politiques minimum RCD et voie professionnelle !
Enfin, quid des élèves dans tout ça ? Là encore, certains points méritent quelques éclairages chiffrés complémentaires… Ainsi, d’après le communiqué de la DGER, les Remplacements de Courte Durée (RCD) ont largement été privilégiés à 28 %. C’est peut-être vrai, sauf que l’objectif de départ fixé au niveau du ministère était d’un minimum de 50 % de briques à consacrer à cette mission prioritaire, à moduler en région en fonction de la situation de chaque établissement… Par ailleurs, les organisations syndicales, dont le SNETAP-FSU
FSU
Fédération Syndicale Unitaire
, ont d’ores et déjà été amenées à plusieurs reprises à demander que la DGER intervienne pour rappeler le cadre réglementaire des objectifs et modalités de mise en œuvre de ces briques RCD, dont certaines ont été attribuées pour des remplacements de longues maladies, de congé maternité, ou encore pour préparer des examens… Nous demandons à pouvoir disposer d’un bilan honnête du dispositif en question.
Autre objectif rappelé dans tous les CSA régionaux de juin par les autorités académiques et qui a également volé en éclat :"au minimum 65% des briques attribuées devront l’être attribuées ".... on en est là encore très loin avec au regard des remontées de terrain guère plus de 20 à 30% de briques « voie professionnelle » prises in fine !
Bref, des principes à suivre en région dans la répartition des briques, il n’y en avait finalement que deux (l’un concernant les RCD et l’autre la réforme de la voie pro)... des objectifs en l’occurrence tout à fait conformes aux orientations martelées par l’exécutif sur ce pacte « enseignant »... Donc, au vu des chiffres (et encore sans approche qualitative, mais cela viendra…), en terme de réussite, pour la DGER, on ne peut pas dire qu’elle soit vraiment au rendez-vous !
Épilogue...
Cette affaire du « pacte enseignant » dans l’Enseignement Agricole Public comme à l’Éducation Nationale, c’est donc bien la chronique d’un échec annoncé qui se confirme et rien d’autre, sauf à tenter – vainement – de choisir les chiffres à dessein et d’en omettre d’autres en opportunité. Mais ici on n’est pas là pour désinformer et moins encore pour jouer ! Près de la moitié de la profession n’a de fait pas adhéré, la revalorisation n’en est assurément pas une et le service « en plus » survendu aux familles en cette rentrée n’est évidemment pas au rendez-vous pour tous.tes les élèves... loin s’en faut ! A l’heure où les métiers de l’enseignement n’attirent plus, il est plus qu’urgent que l’argent public consacré à ce « pacte » et que la Représentation Nationale a choisi de dégager au bénéfice des enseignant.es et CPE, soit réattribué à l’ensemble de la profession via une augmentation générale des salaires et cela sans contrepartie !
Paris, le 17 novembre 2023