Sortir des incantations
Ce nouvel anniversaire ne doit pas être une célébration. Les personnels attendent des projections sur l’avenir de la discipline et des enjeux qu’elle porte. Le rendez-vous des 60 ans doit permettre de revaloriser et de reconnaître la discipline.
L’organisation de cet événement interroge. Si la DGER
DGER
Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche
promet de mettre en lumière l’ESC
ESC
Éducation socio culturelle
le 14 novembre prochain à la Maison de la Radio à Paris, l’organisation est opaque et décidée dans les bureaux de la DGER, sans implication des collègues. À ce jour, aucune invitation officielle n’a été formulée via la Conf RESANA à la communauté ESC. Cet anniversaire serait-il un rendez-vous de happy fews ? Comment alors penser que “le village des ALESA” pourra montrer la qualité et la diversité de l’engagement des jeunes dans leur association ? Et que dire du “sillon des initiatives” censé mettre en avant des projets socioculturels autour des transitions ? Mais peut-être que le stand-up intitulé “la parole est dans les champs” saura mettre en scène la parole d’élèves de l’Enseignement Agricole. Le champ lexical très (trop) rural de ces différents rendez-vous artificialise les pratiques professionnelles en proposant une communication à base d’éléments de langage sans lien avec le terrain. En somme, une communication hors sol qui s’éloigne des vrais enjeux pédagogiques auxquels est confrontée l’Éducation socioculturelle.
Clairement les dynamiques, la variété des actions des enseignant·es animateur·trices d’ESC dans et hors la classe, dans et hors des établissements n’est plus à démonter. L’ESC est une vraie particularité, un marqueur concret pas seulement une valeur ajoutée de l’Enseignement Agricole.
L’extrême diversité et fragilité des réseaux régionaux
Le détricotage méthodique des réseaux d’ESC fragilise en profondeur la discipline. Bâtis à partir des années 90, les réseaux régionaux ont permis la mise en place d’actions culturelles mutualisées. La structuration du réseau national Communications, Médias, Associations (ex ADC) a accentué le travail collectif et permis de développer des projets innovants, de tisser des liens forts avec des partenaires institutionnels et associatifs et de tirer l’ensemble des pratiques vers le haut.
Actuellement, dans certaines régions, le réseau n’existe plus. Dans d’autres, le contact n’est possible que par l’adresse institutionnelle. Notre enquête montre que seule la moitié des régions ont un contact réseau clairement identifié. Où se trouve donc la volonté politique quand les réseaux n’ont pas de moyens humains pour fonctionner et dépendent de partenaires extérieurs (DRAC, région, association…) ?
Pour éviter l’effondrement de ce riche tissu, nous demandons que des postes d’animateurs-animatrices à plein temps soient mis en place par les DRAAF
DRAAF
Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt
. Il faut redonner du temps d’échange et de rencontre aux équipes en région.
La mission d’animateur·rice interrogée ?
Comment comprendre la suppression par la DGER de la mention enseignant·e-animateur·rice dans le référentiel métier ?
Comment comprendre la tentative avortée de volonté de contrôle, la maîtrise des Directions sur cette mission ?
Une recherche permanente de crédits pédagogiques toujours plus difficile
- Les incertitudes du pass culture
Le pass culture prévu pour dynamiser les projets d’éducation artistique et culturelle dans les lycées est aujourd’hui exsangue. Aucune visibilité n’est donnée aux collègues. Les projets sont au point mort. Ce dispositif dénoncé, dès sa mise en place, comme un court-circuitage des politiques publiques au profit d’un organisme créé ex-nihilo (la société pass culture), montre son véritable visage. Aucun lien avec le terrain, financement aléatoire. Nous demandons le dégel immédiat des enveloppes budgétaires et l’accompagnement des équipes dans la réalisation des projets portés dans les établissements.
- Les crédits régionaux soumis aux décisions politiques.
C’est aussi un constat malheureux, les projets de nous portons au quotidien, la pédagogie de projet prescrite dans les référentiels est soumise aux aléas des choix politiques régionaux ce qui la fragilise très fortement. Ainsi, à cette rentrée, le Conseil régional des Pays de la Loire vient de décider la suppression du PRADT (sans concertation, sans explication) soit plus de 20 000 euros de crédits pédagogiques pour la seule région.
ALESA, émancipation et formation citoyenne ?
On peut aussi s’étonner de la différence entre la théorie et la pratique sur le fonctionnement des ALESA. Le 13 août 2025, une Note de service recadre le fonctionnement des ALESA. Elle met en avant, à juste titre, le rôle formateur et émancipateur des ALESA dans les lycées. Elle est suivie d’un appel à projet “forums régionaux des ALESA” qui, par ses délais de réponse, ne permet la réponse que des bureaux élus en mai ou juin pour l’année scolaire suivante. Pire, il apparaît qu’il est même possible de faire candidater un bureau avant même son élection pour répondre aux délais …
C’est une drôle de vision de l’émancipation des élèves.
Quand la coupe de la pédagogie de projet déborde !
Nous l’avons déja écrit ici : https://www.snetap-fsu.fr/ESC-en-BAC-PRO-la-coupe-est-pleine.html mais clairement les dernières réformes fragilisent l’ESC. Les référentiels n’ont plus de cohérence globale. Par exemple, le Bac pro impose aux professeur·es d’ESC de devenir des conseiller·es d’orientation, bien loin des missions originelles. La coupe est pleine !
Nous demandons des temps d’échanges et de réflexion pour inventer l’ESC du 21ème siècle capable de relever les nouveaux défis qui s’ouvrent : transition écologique, mutation des usages numériques, évolution de l’engagement des jeunes. Le tableau global est sombre. La célébration “bling bling” des 60 ans n’est qu’une poudre aux yeux. Elle entretient l’illusion.
Sa riche histoire prouve la pertinence de l’ESC et sa capacité d’adaptation aux enjeux contemporains. Elle est aujourd’hui menacée d’atomisation et de perte de sens. Il est urgent d’agir pour faire vivre ses idées fondatrices autour de l’éducation populaire et de l’éducation nouvelle pour une émancipation des jeunes et pour développer leur pouvoir d’agir.