De l’édredon dans la valise….
Madame la Directrice Générale, même s’il est notable que les sénatrices-teurs, membres de la mission parlementaire intitulée "l’enseignement agricole, outil indispensable au coeur des enjeux de nos filières agricoles et alimentaires", auront du s’y reprendre à 3 fois pour que vous daignez répondre sur la question, pourtant fondamentale, des moyens octroyés en loi de finances 2021, le moins que l’on puisse dire c’est que « vous avez de l’estomac »...
Le 21 janvier dernier dans le cadre d’une bilatérale qui se voulait sincère et directe, vous nous ne nous cachiez pas que « la potion à boire pour cette rentrée 2021 allait être amère » et qu’il vous revenait de « faire rentrer l’édredon dans la valise »... en tachant « d’obérer le moins possible l’avenir de l’enseignement agricole ».
Depuis, d’instance en instance, vous persistez, avec vos services, à rester des plus plus évasives sur les expédients qu’il vous revient de trouver pour assurer la rentrée prochaine avec 80 ETP ETP Équivalent Temps Plein de moins (dont 46,5 pour le seul enseignement public, alors même que celui-ci a, rappelons-le, progressé en nombre d’élèves l’an passé et a de fait mieux résisté que les autres composantes cette année). Pour toute réponse, vous renvoyez aux DRAAF DRAAF Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt -SRFD SRFD Services Régionaux de la Formation et du Développement le soin de « présurer l’édredon » - la boite noire du dialogue de « bonne » gestion des moyens dont on ne dispose pas et l’autonomie des établissements étant en charge des « basses » oeuvres !
… à une digestion devenue aisée !
Et vous voilà, Madame la Directrice Générale, qui sans ciller répondez le 3 mars dernier à la mission parlementaire que ce schéma de suppressions d’emplois est « gérable et géré »... pour preuve nous aurions « réussi à accueillir tous les élèves en faisant la demande »... Après peu importe dans quelles conditions... S’il vous plaît, n’ayez pas la mémoire courte... Alors que les difficultés de financement de nos options facultatives perdurent depuis des années, nous avons encore « descendu plusieurs marches », ainsi notre capacité à dédoubler est devenue une « variable commode d’ajustement » mais qui est en passe de toucher ses limites, notre incapacité à assumer le déploiement de la réforme du baccalauréat quant à elle se confirme, au risque de plier à assez court terme tout ou partie de notre offre de formation en la matière... et cette année c’est la moitié des heures d’AP en STAV qui ont fait défaut en DGH DGH Dotation globale horaire (la DGER DGER Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche chiffrant ce gap à pas moins de 20 ETP qu’il faut trouver en plus alors que c’est à de nouvelles suppressions que nous sommes à nouveau confrontés). Bref, on touche bien le fond, pour ne pas dire qu’on est en train de « passer les pieds à travers » !
Véritable déni de réalité ou mensonge devant la Représentation Nationale ?
Comment comprendre dès lors et ne serait-ce qu’entendre votre posture qui relève d’un déni de réalité qui ne vous honore assurément pas, Madame la Directrice Générale, et à plus forte raison quand on sait que cette mission sénatoriale, née des débats nourris et documentés sur le PLF PLF Projet de Loi de Finances 2021, considère (toute tendance politique confondue) à raison que l’enseignement agricole, dont vous avez la responsabilité, ne dispose pas des moyens nécessaires pour conduire à bien l’ensemble des missions qui lui revient au point que la question de sa survie en soit venue à être crûment posée dans les 2 assemblées... Si à cela on ajoute les 600 millions € d’économies dont le ministre de l’Éducation Nationale, courant février, s’est rengorgé dans les médias d’avoir réalisé, vous comprendrez aisément que le refus de réaffecter 5 à 10 millions € au budget de l’enseignement agricole passe d’autant plus mal chez les agent·es de notre ministère !
« Déni de réalité », là où il vous reviendrait au contraire, Madame la Directrice Générale, de pointer a minima les limites, à défaut d’assumer les difficultés, auxquelles les structures et les agent·es de l’enseignement agricole se heurtent de façon de plus en plus vive du fait de moyens en baisse constante depuis 3 ans maintenant. Les premiers retours des DRAAF-SRFD ne nous apprennent pas autre chose... et comment pourrait-il en aller autrement d’ailleurs ? Ainsi, pour ne prendre ici qu’un exemple, l’autorité académique de la région Occitanie mise « au banc d’essai » a déjà commencé à « franchir le mur du son ». Un préavis de grève vient d’être déposé par 3 lycées de la région pour le 25 mars prochain. En effet, alors que leurs JPO se sont déjà déroulées, le DRAAF leur signifie , sans autre forme de dialogue, le gel, voire la fermeture sèche d’une classe de 1ère STAV pour le LPA
LPA
Lycée Professionnel Agricole
de Villefranche de Rouergue, d’une classe de seconde GT pour le LEGTA
LEGTA
Lycée d’Enseignement Général et Technologique Agricole
de Carcasonne ainsi qu’une classe de seconde et un BTS
BTS
Brevet de technicien supérieur
à Nîmes ! Après il est vrai qu’il est difficilement gérable de rendre 15 000 heures de DGH et moins encore de le digérer…
À ce stade, c’est de la viabilité, donc de la survie même de Villefranche de Rouergue dont il est question – après la fin de la filière BIT, qui avait elle-même vue la mise en extinction de la filière agricole il y a quelques années.
Un choix idéologique... de marchandisation de l’École et de développement du Privé !
À moins bien sûr que l’avenir ne soit ailleurs... du côté de cette « formidable opportunité » que la loi Pénicaud est censée représenter d’après ses zélateurs du moment, ou pour le dire sans fard du libre marché de l’éducation qui doit manifestement y présider... Au-delà de petites officines qui fleurissent ça et là, et ne passeront peut-être pas l’hiver, de grands groupes ou encore quelques investisseurs, pardon de philanthropes « du monde d’après », qui eux annoncent à grand renfort de médias l’ouverture prochaine des portes de leurs écoles : ici le CFA
CFA
Centre de Formation d’Apprentis
de Lactalis aux portes de l’EPLEFPA
EPLEFPA
Établissement Public Local d’Enseignement et de Formation Professionnelle Agricole
de Laval, ou là « Hectar », vous savez... ce « campus unique au monde » avec ses 2000 étudiants à deux pas du CFPPA
CFPPA
Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole
(formation continue pour adultes)
de Rambouillet... et bien loin de considérations renvoyées au siècle dernier en faveur d’un 4ème lycée agricole public en Île de-France. Après vous en être remis au Privé plutôt que de faire le choix du renforcement des moyens des ENVT pour augmenter les capacités de recrutement des vétérinaires en France... tournant ainsi le dos à notre histoire et au service public, ça commence à faire beaucoup, mais cela dit beaucoup également des orientations prises même si elles sont peu ou pas assumées publiquement ! En dépit d’expressions plurielles et d’interpellations publiques de plusieurs organisations ici représentées au CNEA
CNEA
Conseil national de l’enseignement agricole
concernant en particulier la ferme-école Niel-Bourolleau, le silence ministériel demeure assourdissant, ce qui est de nature à déstabiliser plus encore un outil de formation qui a jusque là fait ses preuves et qui se retrouvent pourtant mis en grande fragilité par ceux-là même qui prétendent vanter ses mérites.
Nous terminerons en reprenant la fin de notre lettre ouverte adressée le 8 mars dernier à Julien Denormandie : « Monsieur le Ministre, c’est d’un soutien politique public de votre part et d’un soutien financier assumé au gouvernement comme au Parlement dont l’enseignement agricole public a besoin. L’initiative de Xavier Niel, à grand renfort de médias, vous en donne l’occasion en pleine période de « salon à la ferme »... Monsieur le Ministre, ne manquez pas ce qui constituerait un acte fort dont les générations à venir vous serez grées. Le SNETAP-FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire compte plus que jamais sur un sursaut républicain de la part de votre majorité, en appelle à votre responsabilité et à la mise en place au plus tôt du collectif budgétaire qui s’impose » !