« Le Sénégal à la limite de l’explosion », titrent certains journaux
En Afrique de l’Ouest, le Sénégal fait figure de pays libre, démocratique, ouvert, celui de la Terenga, l’hospitalité sénégalaise.
Pourtant, depuis plusieurs mois, les esprits s’échauffent, les manifestations et marches se multiplient.
De retour de mission dans ce pays, c’est la première fois que la crise est à ce point palpable pour nous, étrangers.
Tout le monde en parle, jeunes, vieux, hommes et femmes. C’est la première fois que tous s’expriment sur le prix du pain, du gaz, du sucre, sur les promesses non tenues du président Wade, sur le chômage des jeunes, les coupures intempestives d’électricité, les multiples candidats à l’élection présidentielle de 2012.
La manifestation du 8 janvier 2011, même si elle n’a pas réuni une foule immense montre une exaspération grandissante.
- Hausse des denrées alimentaires
La rémontée spectaculaire des prix de denrées alimentaires laisse prévoir une crise plus importante que celle de 2008, quand le pays a été secoué par les émeutes de la faim. Les produits de première nécessité comme le gaz (augmentation de 30 % du gaz-énergie de cuisson), le prix du pain et du sucre (plus d’un euro le kg), l’essence (égal ou supérieur à 1,20 euro), l’huile ne sont plus accessibles et bon nombre d’habitants sont privés de pain quotidien, certains ne faisant plus qu’un repas par jour. C’est sans compter les coupures d’électricité quotidiennes qui peuvent durer 12 heures, alors que le prix a augmenté de 40 % ces cinq dernières années.
- Des piliers entiers de l’économie fragilisés
Ces coupures entraînent grogne, pertes financières pour les entreprises, risques sanitaires quand la chaîne de froid est rompue.
- Crise de confiance dans le pouvoir politique
Face à cette grogne, l’Etat annonce des mesures mais il est surendetté et le Festival Mondial des Arts Nègres organisé à Dakar en janvier 2011 est devenu un objet de polémique du fait de son coût (39 milliards de francs CFA CFA Centre de Formation d’Apprentis ou 59 millions d’euros) jugé exhorbitant par la population qui peine à se nourrir.
- Entre 30 et 40 % de jeunes au chômage
Dans ce pays où les jeunes représentent une grande partie de la population, il n’y a pas de travail. Les diplômés des universités n’ont plus d’espoir et le traduisent par de multiples manifestations et grèves dans les campus.
Les conditions d’accueil scolaires et universitaires sont obsolètes et le taux de scolarisation baisse à nouveau.
Les élections présidentielles de 2012
Le président Wade élu en 2000 (second mandat) a déçu toute la population car les promesses du « sopi » (= changement en wolof) n’ont pas été tenues. Récemment des jets de pierre sur la maison familiale du président ont prouvé cette crise de confiance. Sera-t-il candidat en 2012 ? Cette question échauffe les esprits.
Alors qu’il avait annoncé que ce serait son dernier mandat, qu’il a fait réviser la Constitution en ce sens, il laisse entendre aujourd’hui qu’il pourrait se représenter car la loi n’est pas rétroactive et seul son mandat de 2007 à 2012 compterait. Il aura 86 ans en 2012.
Certains disent que son fils Karim, aujourd’hui ministre de postes clés (énergie, aménagement, transports aériens) sera sur la liste des candidats !
En attendant le peuple Sénégalais suit de près les intentions politiques de la famille Wade et organise les mouvements de protestation.
Entre colère, exaspération, tous les regards étaient tournés vers la Tunisie en ce début janvier 2011 et le sont vers l’Egypte à l’heure où cet article est écrit.