Un CSA M, convoqué en dernière minute et sans document préparatoire mis sous embargo sur ordre du Premier Ministre, s’est réuni le mercredi 15 octobre en l’absence de la Ministre de l’Agriculture, hélas habituée à faire faux bond. Bis repetita tel un “jour sans fin” sur la forme comme au fond ou à peu près.
C’est donc Madame la Secrétaire Générale qui a été chargée de délivrer les éléments de langage censés rassurer les personnels : “avec un budget qui reste très raisonnable”, “avec des baisses très limitées, une contribution en responsabilité”, “dans un contexte budgétaire extrêmement serré”. Dit autrement et sans euphémisme, le ministère de l’agriculture va encore perdre globalement 60 emplois (et ça aurait pu être pire, après les 91 supprimés en 2025) pour ne surtout pas changer d’orientation politique : réduire les dépenses publiques sans toucher aux recettes et sans faire contribuer les plus riches ! Et pour les personnels, cela sera encore l’austérité : gel de toute mesure salariale (pas de revalorisation du point d’indice) comme catégorielle (ainsi les infirmier·es de l’Enseignement Agricole ou encore les technicien·nes supérieur.es du ministère attendront).
Outre les opérateurs publics qui continuent pour certains d’être matraqués (on citera en particulier FAM avec -14 ETP ETP Équivalent Temps Plein , l’ASP ASP Agence de Services et de Paiement avec -16 ETP et l’ONF ONF Office National des Forêts avec -37 ETP), les deux secteurs du ministère qui paient le plus lourd tribut cette année sont :
- le programme 206 avec 50 ETP en moins pour assurer la sécurité et la qualité sanitaire, mais en misant pour l’essentiel sur le Reset Brexit, à savoir la fin du contrôle aux frontières avec l’Angleterre et son lot d’agent.es en CDD CDD Contrat à durée déterminée non renouvelés, de CDI CDI Contrat à durée indéterminée licenciés, de recrutements qui ne se feront pas… alors même que ce ne sont pas moins de 50% des camions contrôlés qui relèvent de la non conformité ! Outre les réductions d’effectifs, la Secrétaire Générale a passé sous silence une baisse de 8,8% du budget opérationnel, soit près de 100 millions de moins pour 2026 sur les frais de fonctionnement et d’intervention (-63 % par rapport à 2025) des services avec une attaque sans précédent sur les mesures relatives à la stratégie de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires (plan Ecophyto 2030 diminue de 83% avec une perte de 125 millions d’Euros).
- le programme 215 avec 50 ETP supprimés et qui seront “pris en administration centrale pour préserver au niveau des services déconcentrés la qualité du service délivré par le ministère”. En centrale … et bien Madame la Secrétaire Générale invite les agent·es à “s’adapter en faisant preuve de créativité et d’innovation”, avant d’ajouter qu’il faudra “peut-être aussi repenser certaines missions” et de conclure sur le fait que pour autant il serait bon que le Parlement entende lors des débats budgétaires à suivre que les frais de fonctionnement d’un ministère ne sauraient être la variable d’ajustement systématique” (sic) ! Dit autrement, les conséquences sur une gestion RH déjà fortement fragilisée depuis de trop nombreuses années vont assurément être délétères et c’est bien ici de la santé des agent.es en administration centrale dont il est question … alors même que la médecin de prévention du ministère vient d’annoncer lors de la dernière FS Santé Sécurité et Conditions de Travail du CSA AC “ un bond de 129 consultations des personnels à leur demande ”. C’est irresponsable et l’Élan commun fera tout pour s’opposer à cette nouvelle dégradation des conditions d’exercice des missions de nos collègues et du service rendu, ceux·celles-ci étant en charge au quotidien des paies, des contrats, des avancements, des mobilités …
Et comme si la fragilisation de toutes et tous in fine ne suffisait pas, c’est aussi dans le cadre du programme 215 que les crédits de l’action sociale (on pense particulièrement à la subvention ASMA ASMA Association d’action sociale, culturelle, sportive et de loisirs du ministère de l’agriculture nationale déjà notoirement insuffisante) comme les fonds Santé et Sécurité au Travail se trouvent également rabotés !
Du côté de l’Enseignement Agricole, après avoir été le seul système d’enseignement “oublié” en 2025 dans le cadre de la priorité redonnée à l’Éducation (dixit à Matignon le conseiller à l’agriculture de François Bayrou), il devra se contenter en 2026 d’un 0 en bout de ligne pour l’Enseignement supérieur (programme 142) et dans l’enseignement technique (programme 143) de 40 créations d’emplois, soit 30 d’enseignant·e et 10 autres dont des inspecteurs·rices et des agent·es comptables. Jamais content·es se diront peut-être certain·es… Après tout… ce n’est pas comme si il était question de répondre aux objectifs de la Loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture. Car à un moment il faut savoir parler vrai : ces 40 emplois ne rattraperont même pas les 45 ETP supprimés en 2025 et moins encore le passif accumulé et la dégradation lente mais continue subie par nos établissements publics depuis 2019 (soit pour mémoire plus de 200 emplois supprimés… au détriment de nos dédoublements devenus indicatifs, de notre offre de formation, du règlement de la moitié du volume d’AP en STAV en heures occasionnelles etc.).
Par contre dans ce contexte, le Ministère trouve 11,5 millions d’euros en plus pour financer les MFR… Et quant les établissements supérieurs agricoles privés voient leur financement en Autorisation d’Engagement tripler “ponctuellement”, ceux du public devront fonctionner sans création d’emplois.
Et pourtant les défis auxquels le Ministère de l’agriculture et l’Enseignement Agricole Public ont à faire face sont immenses :
- accompagner les acteurs·rices du monde agricole pour réussir et accélérer la transition écologique sur fond d’effondrement climatique comme de notre biodiversité ;
- garantir notre souveraineté alimentaire et la sécurité sanitaire de notre alimentation ;
- faire face au mur démographique avec 50 % du monde agricole partant à la retraite d’ici 2030 et +30 % de jeunes à former en plus dans nos EPLEFPA
EPLEFPA
Établissement Public Local d’Enseignement et de Formation Professionnelle Agricole
sur cette même période de par les objectifs chiffrés dans la loi d’avenir agricole. Comment seulement imaginer que nous puissions faire mieux que les 13 à 14000 installé·es par an en France, là où il faudrait doubler ce nombre pour freiner enfin la « fin des paysan·nes » à laquelle nous assistons impuissant.es ou plutôt impuissanté·es que nous continuons d’être par des choix politiques sinon absurdes en tout cas non assumés publiquement !
Non, définitivement ce projet de budget est indigne d’un pays comme le nôtre. L’Élan commun va le combattre résolument en portant des amendements au budget auprès des parlementaires et dans la rue, dans le cadre d’une intersyndicale qu’il espère la plus large.
Paris, le 16 octobre 2025