La FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire se félicite de la nouvelle dénomination de notre ministère intégrant la souveraineté alimentaire. Ce concept est exigeant. Le SNETAP le porte d’ailleurs dans un mandat établi en congrès depuis de nombreuses années. Il nécessite de rompre avec les pratiques commerciales, agro-industrielles et phytosanitaires actuellement en cours. Il s’agit d’un concept noble pour nos formations agricoles publiques, pour le monde agricole, pour l’environnement, qui prône la démocratie alimentaire et la solidarité entre les peuples. Vos actes devront donc être à la hauteur de ce concept mais également des attentes et des défis à relever dans votre champs ministériel.
1. Des constats sur la situation actuelle, les attentes sociétales et défis – 6 urgences
• urgence climatique - Le dernier rapport du GIEC et les condamnations pour inaction climatique à deux reprises de l’État, comme les avis de la commission de l’UE et de l’autorité environnementale rattachée au Ministère de l’Environnement relevant l’inefficacité climatique des ministres de l’agriculture qui se sont succédés, montrent la nécessité d’accélérer et de changer sérieusement de braquet sur ce sujet ;
• urgence sanitaire - Les problèmes liés aux pesticides comme au déficit de contrôle dans les abattoirs et dans l’industrie agro-alimentaire … ont conduit au fait qu’aujourd’hui en France, des enfants sont morts d’avoir mangé de la pizza !
• urgence sociale et territoriale, notamment rurale - Bruno Le Maire a soutenu que « Là où il y a une usine qui ferme, il y a une permanence du Rassemblement national qui ouvre ». La réalité du délitement des services publics en campagne participe malheureusement de la même logique et entraîne une forte désespérance dans ces territoires.
• urgence à passer à une planification écologique - Cette urgence passe notamment par la garantie d’une alimentation saine et donc sécurisée.
• urgence à remettre l’outil de puissance publique qu’est le Ministère de l’Agriculture et ses services au centre des leviers à actionner.
• urgence à prendre conscience que le MASA est aussi le ministère de l’Enseignement Agricole Public - En effet, durant 5 ans, l’EA a été soumis à des injonctions contradictoires permanentes – un enseignement vanté et dont on fait la promotion, mais continûment abaissé dans ses moyens humains pour accomplir ses missions ! Sur ce point il faudra sortir de la trajectoire de suiveur à la baisse du Ministère de l’Éducation et avoir une véritable ambition pour l’EAP
EAP
Enseignement Agricole Public
ou
Emploi d’avenir professeur
, qui ne se paie pas de mots !
2. Nos demandes pour réaliser ces ambitions et relever ces défis – 7 nécessités
• la nécessité d’un collectif budgétaire à rebours du plan d’austérité prévu dans le programme dit de stabilité transmis à l’UE qui comprend une baisse des dépenses publiques de 60 % du PIB en 2021 à 53 % en 2027. Au contraire, il est indispensable de remettre le système et donc notre ministère à niveau. L’ensemble des services a été fragilisé par le dernier quinquennat, notamment ceux soit disant supports tels SRH, DGER DGER Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche , DRAAF DRAAF Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt , SRFD SRFD Services Régionaux de la Formation et du Développement : il est plus que temps de les renforcer.
• 2 points spécifiques doivent être soulignés :
* la fragilité de la sécurité alimentaire…. Monsieur Le Ministre comme vous le dites si bien, « nous aurons l’ambition de protéger, en maîtrisant la sécurité sanitaire de nos aliments ... ». Pour autant, vous allez faire face aux lobbys d’une agriculture productiviste et d’une industrie agroalimentaire expansionniste. Ces dernières années en France, les scandales sanitaires alimentaires s’enchaînent dans un schéma qui se répète, encore et encore. Les autocontrôles réalisés par les entreprises démontrent clairement leurs limites, il faut renforcer les contrôles de l’État.
La sécurité sanitaire, soi-disant la priorité pour les nombreux ministres qui se sont succédés depuis de nombreuses années, a été mise à mal. Force est de constater que les 1 000 ETP
ETP
Équivalent Temps Plein
disparus depuis 2010 n’ont pas été comblés. Même si M. Denormandie a semble-t-il fait un effort avec une annonce d’une centaine d’ETP en 2022… cet effort demeure notoirement insuffisant au regard des enjeux.
* le passif dans l’Enseignement agricole public doit impérativement être rétabli, il a induit des dédoublements rehaussés et devenus indicatifs, un contentieux inacceptable concernant l’accompagnement personnalisé STAV rémunéré pour moitié en HSE HSE Heures supplémentaires effectives et un Bac Général en souffrance, point sur lequel nous reviendrons ci-après.
• la nécessité de revaloriser salaires et agents fragilisés et précarisés du service public : pas besoin de « nouveau pacte », moins encore de « travailler plus pour gagner plus », mais de reconnaissance du travail fait et bien fait au-delà de se payer de mots. Les problèmes de recrutements des enseignant·es sont sur ce point emblématiques. Cela doit aussi passer par un nouveau plan de déprécarisation et non une volonté d’instaurer le contrat contre le statut... De ce point de vue, le préavis de grève que l’ensemble des organisations syndicales de l’EAP vient de vous adresser Monsieur le Ministre, au titre des personnels de CFA
CFA
Centre de Formation d’Apprentis
-CFPPA
CFPPA
Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole
(formation continue pour adultes)
couvrant la période des examens, est suffisamment inédit pour que vous y répondiez sans délai... et que les engagements pris par vos prédécesseurs soient enfin tenus ! Les agents sur budget doivent pouvoir voir la partie « temps de travail et de rémunération » de leur protocole national de gestion être enfin révisée par décret et « au mieux disant ».
• la nécessité d’évaluer et de corriger, à défaut de les abroger, les travers de certaines réformes du quinquennat précédent, on citera en particulier la réforme du Bac Blanquer (offre de spécialités très réduite en lycée agricole, enseignements facultatifs dont le financement n’est pas garanti, ce qui pénalise de facto l’orientation de nos élèves vers l’enseignement supérieur) et la loi Pénicaud (avec une composition des CPC dont sont exclus les représentant·es des enseignant·es, un pilotage de la carte formation réduit à sa portion congrue et enfin une concurrence de tous contre tous sur le grand marché de l’apprentissage, à rebours de ce qui fait la force de l’EAP à savoir la complémentarité de ses voies de formation).
• la nécessité de renforcer et de garantir la liberté pédagogique des enseignant·es vis-à-vis de toute pression et dans un climat de confiance. Ainsi l’observatoire de la liberté pédagogique a été acté - mais n’est toujours pas mis en œuvre - suite aux attentats mais aussi plus insidieusement avec l’immixtion des lobbies agricoles et agroalimentaires dans les EPL EPL Établissement Public Local . Ce contexte induit donc des inquiétudes et c’est un euphémisme, par rapport à la grande révolution annoncée en lycée professionnel.
• la nécessité d’une loi d’orientation agricole ambitieuse visant pour son volet enseignement agricole, mais aussi concernant l’installation, à replacer l’outil public au cœur de l’accompagnement des transitions. Cela traduit un double objectif – assurer le renouvellement des générations en agriculture – réinstaller des paysan·nes, relocaliser notre alimentation – d’une part et déployer de nouvelles formations dans le cadre des métiers verts et d’avenir. Pour ce faire, il y a pour nous nécessité notamment de réinterroger et de remettre à plat le financement de nos exploitations et de nos ateliers technologiques « grandeur nature ».
• la nécessité de traduire ces objectifs dans le plan stratégique de l’EA en cours d’écriture, avec comme il se doit leur traduction opérationnelle. Un dispositif sérieux de suivi dans le 7ème schéma national formation pour les 5 années qui viennent est donc nécessaire, sachant que le 6ème est échu depuis bientôt 2 ans !
• la nécessité enfin d’un Projet de Loi de Finances établi dans un cadre pluriannuel – et un schéma de développement de l’emploi à l’échelle du MAA, seul gage de réussite de cette accélération des transitions dans laquelle répétons-le, le ministère de l’Agriculture et la Souveraineté alimentaire se doit de donner sa pleine mesure !
Vous l’aurez compris le dialogue social, comme « nouvelle méthode », doit être assumé et traduit en actes, dans tous les services du ministère et à tous ses étages, à rebours de l’orientation assumée jusque là et mis en musique par la loi TFP, qui si elle n’est pas elle aussi révisée et ajustée, entravera de fait notre capacité collective à relever les défis qui s’imposent à nous.