Clairement après 20 ans le bilan est très mitigé.
Dans les lycées d’enseignement agricole, plus de 3000 élèves en situation de handicap sont inscrits. Le ministère a investi en 2024 plus de 16 millions d’euros pour soutenir ces élèves (augmentation de 35 % par rapport à 2019). Clairement l’enseignement agricole public est devenu inclusif, au quotidien et à tous les échelons des acteurs font vivre cette inclusion. Depuis de nombreuses années, nous constatons la croissance importante du nombre d’élèves à besoins particuliers et en situation de handicap dans nos établissements si bien que dans certains établissements, certaines classes, la part des élèves en situation d’inclusion est supérieure à 15%. Certaines classes devenant de fait des classes d’enseignement adapté, sans que les personnels n’aient les moyens et les formations pour faire face à cette situation.
Cependant tant du point de vue des moyens, des acteurs, que des structures, tant de choses restent à faire.
Car l’augmentation du nombre d’élèves en situation de handicap et celles et ceux dits « à besoins éducatifs particuliers » scolarisé·es ne s’est accompagnée ni des moyens à la hauteur des besoins, ni des réformes indispensables à l’amélioration de la scolarité de tous et toutes.
Le constat d’une dégradation des conditions de travail, de scolarisation, d’apprentissage et d’accueil est partagé par tous les personnels. La non-création de postes d’infirmier·es, de psychologues et d’assistant·es social·es à hauteur des besoins, la vacance de postes de médecins scolaires, et le maintien des AESH AESH Accompagnant des élèves en situation de handicap. dans des conditions précaires ont contribué à renforcer les inégalités scolaires. Sans moyens ni considérations pour les élèves, l’acte 2 de l’école dite inclusive qui affiche pourtant l’objectif de construire une école pour toutes et tous, renforcera une école du tri et de l’inclusion au rabais. Le SNETAP-FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire alerte sur l’état de souffrance de la profession et l’urgence à repenser l’école inclusive.
Du côté des personnels, 20 ans après le vote de la loi, il ressort que l’inclusion reste un impensé.
Les métiers de l’inclusion scolaire n’existent que trop peu. La précarité grandissante et maintenue pour les AESH AESH Accompagnant des élèves en situation de handicap. renvoie à un métier qui n’existe toujours pas dans les statuts de la Fonction publique. Les dysfonctionnements systémiques et le non respect des textes réglementaires dans la gestion de leur carrière, leur rémunération ou leurs conditions de travail en sont la pire des preuves.
Les référents inclusion n’existent pas dans les lycées et les enseignant.es manquent de formation initiale et continue sur ces sujets. Enfin, l’organisation et la gestion des examens (contrôle continu et CCF CCF Contrôle Certificatif en cours de Formation ) pour ces élèves, 20 ans après, n’est ni organisée, ni structurée (statut, rémunération des assistants-lecteurs-scripteurs).
Enfin, même si il y a eu quelques progrès, les structures ne sont pas à la hauteur pour un enseignement agricole et maritime réellement inclusif.
Enseignement professionnel par excellence, l’enseignement agricole public dispose d’exploitations agricoles et d’ateliers technologiques afin de réaliser des travaux pratiques. Ces structures ne sont pas toujours adaptées pour accueillir les élèves en situation de handicap. Alors que plus de 65 % de nos élèves sont internes et que nos établissements ruraux sont souvent éloignés des centres urbains, il demeure des difficultés d’accès au quotidien pour nos élèves-apprentis-stagiaires à leurs classes, aux réfectoires ou à l’internat.
Le SNETAP-FSU rappelle la nécessité urgente d’une scolarisation de tous∙tes les élèves dans le respect de leur dignité et au plus près de leurs besoins éducatifs, sanitaires, scolaires et sociaux. Pour cela il porte, depuis 2017, 10 propositions pour assurer l’égalité des droits et des réussites des élèves, apprentis-stagiaires en situation de handicap.
10 PROPOSITIONS POUR ASSURER L’ÉGALITÉ DES DROITS ET DES RÉUSSITES des élèves-apprentis-stagiaires dans l’enseignement agricole et maritime public
- 1 Instituer des référents inclusion dans chaque établissement (et au sein de chacun des centres). Ce référent bénéficiera d’une dispense de services pour mener à bien sa mission. Ce référent coordonnera le travail des équipes, assurera la continuité de l’accueil et de l’accompagnement des jeunes sans se substituer aux différent•es acteur•rices. Ce référent aura accès à des formations régulièrement mises à jour.
- 2 Créer un corps de fonctionnaires d’AESH. Les AESH doivent être des personnels de catégorie B, affecté•es en établissement (avec un temps plein pour 24h hebdomadaires) permettant de professionnaliser la mission, d’assurer une stabilité tant pour l’agent que pour les jeunes accompagné•es ou pour les équipes éducatives. Ces agents bénéficient d’une formation initiale et continue de qualité.
- 3 Réformer les obligations de service des enseignant•es. Avec des obligations de service de15 h + 2 h afin de prendre en compte le travail « invisible » consacré à cette mission et notamment le temps pour la mise en place des PPS, PAP, ESS… Il faut également réduire les effectifs des classes et rétablir les dédoublements obligatoires pour permettre un accompagnement réel.
- 4 Renforcer la structuration de l’école inclusive. Par la mise en place de classes ULIS dans l’Enseignement Agricole Public. Permettre aux personnels enseignants de l’Enseignement Agricole et maritime le passage du CAPPEI. Des dispositifs d’appui pour les élèves-apprentis allophones doivent être mis en place et des sessions de formation mises en place pour l’enseignement du FLE, FLS, FLESCO pour les EANA.
- 5 Lancer un grand chantier national didactique et pédagogique sur le sujet. Un chantier « dys » par discipline, par exemple, se doit d’être ouvert au niveau du corps d’inspection afin que par la formation, les innovations pédagogiques, les enseignant•es soient mieux armé•es pour accompagner les élèves, étudiant•es, apprenti•es, stagiaires concerné•es. Objectiver la différenciation des critères d’évaluation en classe en tenant compte des horaires de cours pas toujours aménageables.
- v6 Former et sensibiliser les équipes éducatives. Tant en formation initiale que continue notamment sur le repérage. Dans le MASTER MEEF MEEF Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation de l’ENSFEA, le temps consacré à l’inclusion doit être renforcé (la formation assistant.e-lecteur.trice-scripteur.trice pourrait être insérée dans le MASTER). Partager, diffuser les dispositifs pédagogiques produits par le DNA et les établissements.
- 7 Mettre en place un véritable statut des assistant•es-lecteur•rices-scripteur.es. Le cadrage de la rémunération, de la formation, des convocations doit être revu afin de rompre avec les inégalités de traitement entre les différent•es candidat•es et de faire réellement respecter les notifications MDA ou les PAP pour toutes et tous.
- 8 Engager, par les Conseils régionaux, un grand plan d’aménagement urgent de tous les établissements scolaires pour permettre l’accessibilité de tous et toutes à tous les espaces des établissements scolaires et ce quel que soit le type de handicap.
- 9 Redéfinir nationalement, pour l’accueil et l’accompagnement des jeunes en situation de handicap, le rôle et la mission de chacun.e des membres au sein des équipes. Que ce soit les équipes de direction, les professeurs principaux, les CPE CPE Conseiller Principal d’Éducation , le personnel administratif, les infirmier•ières,…) et les moyens qui leur sont attribué•es. Les maîtres de stage, d’apprentissage devront être associé•es dans ce dispositif.
- 10 Mettre fin aux inégalités de traitement pour les élèves, étudiant•es, apprenti•es, stagiaires de l’Enseignement Agricole et maritime et leur famille, en raison de l’absence de psychologues scolaires, de médecine scolaire et de service social scolaire, voire d’infirmier.ières. Renforcer les effectifs des équipes éducatives pour permettre une meilleure prise en charge sur le temps hors scolaire (internat notamment).
Ces mesures ne s’entendent que prises dans une dimension interministérielle (Ministères de l’Education Nationale et de l’Agriculture), en coopération afin de permettre un suivi des dossiers, un échange de savoir-faire entre les équipes pluri-professionnelles.