
Le 25 février 2025
Pour présenter sa loi à l’ouverture du Salon international de l’agriculture de février 25 sous pression des syndicats majoritaires, la ministre Genevard a fait accélérer les travaux des deux chambres pour un vote tambour battant qui montre à nouveau le peu de respect que nos dirigeant·es accordent aux débats démocratiques.
Mais au-delà, ce que l’on retiendra, c’est que cette loi qui aurait dû être “la” loi d’avenir n’est ni plus ni moins qu’une loi qui fait une grande marche arrière, à l’encontre de toutes les préconisations des chercheur·ses, des scientifiques, des expert·es, des pédagogues en matière d’agriculture, d’alimentation, d’environnement et d’enseignement agricole.
Des mois de concertation et de travaux de synthèse passés à la trappe !
Alors que le texte initial réaffirmait les principes de l’agroécologie (notion inscrite dans la précédente loi d’orientation agricole de 2014), le texte adopté s’en trouve dépossédé au plus grand plaisir de la droite et de l’extrême droite portées par le populisme, l’anti-écologisme des syndicats agricoles majoritaires.
Des reculs sans précédent sur les mesures environnementales allant jusqu’à la dépénalisation des atteintes aux espèces protégées !
C’est une attaque frontale contre le vivant avec le retour à marche forcée d’une agriculture productiviste dont on connaît aujourd’hui les impasses comme les périls sur l’humain et sur la nature.
Mais surtout, la loi ne règle en rien les problèmes majeurs du monde agricole : rien sur le foncier pour permettre l’installation de paysan·nes, pourtant nécessaires pour assurer le renouvellement des générations partant à la retraite, rien pour garantir un revenu juste aux paysan·nes.
Des reculs majeurs dans le domaine de l’enseignement et des atteintes graves à l’EAP
EAP
Enseignement Agricole Public
ou
Emploi d’avenir professeur
et donc au service public d’éducation !
Même si le SNETAP-FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire se félicite de la reconnaissance de la vocation pédagogique des exploitations agricoles des établissements publics et la nécessité de développer les espaces tests pour favoriser et faciliter l’installation, ceci est bien insuffisant et c’est un goût amer qui nous est laissé.
En effet que dire de la nouvelle 6ème mission où le terme agroécologie a tout simplement disparu, la déshabillant quant à son enjeu premier ! Que dire par ailleurs de l’écriture de celle-ci qui sert de prétexte à modification du code rural, avec la disparition dans l’article L-811-1 du Code rural et de la pêche maritime de la notion de respect des principes de laïcité, de liberté de conscience et d’égal accès de tous au service public, ainsi que de lutte contre les stéréotypes sexués et de promotion de la santé à l’école. Sans doute une concession pour ne pas froisser l’enseignement privé majoritaire dans l’enseignement agricole !
Que dire de cet article qui axe fortement l’enseignement agricole sur la production, en minimisant injustement les autres filières de formation au détriment de la ruralité comme de l’environnement.
Et pour satisfaire encore plus le privé, cette loi modifie la composition des instances de l’enseignement agricole en donnant des mandats de représentation aux établissements privés dans l’instance nationale qui gère l’enseignement supérieur et la recherche (CNESERAAV
CNESERAAV
Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire
). Une première qui ne retrouve pas son équivalent dans le ministère de l’enseignement supérieur de l’EN
EN
Éducation nationale
.
Un autre cadeau est réservé aux établissements privés qui vont pouvoir bénéficier d’ avantages financiers pour leurs exploitations agricoles, alors même que les débats sur l’utilisation de l’argent public par l’Enseignement Privé sous contrat avec l’Etat est relancé (à juste titre), que ce dernier est accusé de manque de transparence et d’opacité quant à l’utilisation de fonds publics, et alors même que plus spécifiquement les exploitations et ateliers technologiques des établissements publics subissent une crise financière sans précédent !
De même que dire, de la création du bachelor agro, dont l’appellation désapprouvée par le Conseil d’État, comme lors des débats à l’Assemblée Nationale avant la dissolution de juillet 2024, est ré-introduite, ce qui va de fait créer de la confusion, sans doute recherchée, avec les bachelors du privé, diplômes non reconnus par l’État. Un diplôme de l’enseignement supérieur qui est de plus une grande inconnue et qui ne règlera certainement pas à lui seul les difficultés actuelles du BTSA BTSA Brevet de Technicien Supérieur Agricole (BAC +2), diplôme central dans l’installation des futures agriculteur·trices.
Enfin, le SNETAP-FSU déplore et regrette le peu d’ambition de cette loi, comme jusque là du budget de la nation, pour le renouvellement des générations de paysan·nes.
C’est une augmentation de 50% de jeunes accueilli·es et formé·es en plus dans l’enseignement agricole qui est nécessaire et non de 30 % comme affiché a minima dans la loi.
Il déplore concomitamment que la question des moyens et de l’effort de la nation continue d’être envisagée uniquement sous l’angle de la coupe budgétaire à courte vue. Ainsi, ce n’est pas moins de 11% de budget que le Ministère de l’agriculture voit disparaître et plusieurs dizaines d’emplois en moins dans les lycées agricoles publics comme si l’on pouvait faire mieux avec moins !
Le SNETAP-FSU dénonce clairement l’incohérence TOTALE de ce gouvernement et des Parlementaires qui ont voté cette loi et le budget 2025. En effet, le vote de cette loi prétendument ambitieuse se fait dans un contexte de suppression de plus de 25 postes d’enseignant·es à la rentrée 2025, sur fond de refus d’ouvertures, voire de fermetures, gels, regroupements et abaissements des capacités d’accueil de nombreuses classes de lycées agricoles notamment pour la formation d’agriculteur·trices.